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278 LA REVUE LYONNAISE les met en présence, comme dans Nana, d'un drame sans voile et qui descend jusqu'à l'infamie des personnages. Si vous ne vous en tenez pas à la surface charmante, si vous allez au delà de la robe pour entrer dans la peau, au-delà du boudoir pour ouvrir publi- quement l'alcôve, vous les bousculez terriblement, vous leur gâtez leur jouissance. Ils se fâcheront en vous voyant avec les filles graves, sérieux, un scalpel à la main, fouillant le ventre de ces jolies personnes, dont ils ne tiennent à connaître que le satin. Et ils auront raison de se fâcher, et s'ils crient au mensonge, ils seront de bonne foi ; car, personnellement ils ont toujours refusé de voir la bête dans la créature. Vous avez voulu trop de vérité, c'est pour cela qu'ils ne comprennent plus et qu'ils déclarent votre pein- ture fausse. La chose dépend du point de vue. Si vous êtes Parisien, j'entends au petit sens du mot, vous effleurerez les sujets, vous les traiterez en homme gai, sceptique, paradoxal, vous aurez une observation de surface, aiguisée de mots, fleurie par la mode, vousvousen tiendrezà la petite comédiequisejoue devant le public, avec toutes sortes de réserves et de conventions ; au contraire si vous êtes humains, vous épuiserez les sujets, vous les traiterez en savant qui veut tout voir et tout dire, vous mettrez à nu vos per- sonnages, et vous les poursuivrez jusque dans les misères et les hontes qu'ils se cachent à eux-mêmes. Voilà pourquoi Nana a été déclarée fausse par les débauchés parisiens, désireux d'en rester aux crayonnages menteurs et provoquants de la Vie parisienne. « Depuis longtemps, je sais bien que notre grand crime est là , aux yeux des idéalistes. Nous n'embellissons pas, nous ne per- mettons plus les rêveries sur les sujets malpropres. Qu'o.n nous reproche de désoler la pauvre humanité, qui a besoin d'aveugle- ment, je le comprends sans peine. Seulement, il ne faudrait pas d'un autre côté, nous accuser de flatter la débauche, de provoquer la polissonnerie par nos tableaux, ce qui n'est plus logique du tout. Rien ne pousse moins à la gaudriole que nos livres, le fait me paraît indiscutable. « Et, dès lors, c'est dire que nous ne sommes pas plus les fils du roman licencieux du dix-huitième siècle que du conte grivois des siècles précédents. Nous retrouvons, dans ce roman, la pein- ture caressée et idéalisée du vice ; il y a encore là une traduction