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210                  LA REVUli LYONNAISE

c'est la vraie et grande poésie, la poésie d'Homère, la poésie de
la Bible. Notre poète y excelle.
   Verdaguer a des larmes souriantes, comme Andromaque à la
porte des Scées ; des sévérités traversées d'attendrissements comme
Joseph dans son palais d'Héliopolis. La nature elle-même ne pro-
cède pas différemment, et l'ingénieuse ne se fait guère faute de
suspendre un lézard endormi aux crevasses du Golysée, de poser
une frêle fleur à l'orifice du Vésuve.

   II. VAtlantide méritait d'être traduite et d'être bien traduite.
Un jeune écrivain s'est rencontré amoureux du catalan, ami de
Verdaguer, qui a pris, pour ainsi dire, corps à corps, âme à àme,
la fière et tendre épopée et l'a transportée du catalan en français,
un peu comme Hercule transporte de l'Atlantide en Espagne la
reine Hespéris.
   J'admire comme M. Albert Savine rend heureusement les éner-
gies et les suavités de ce poème. Cette lutte a duré quatre ans. Il
ne lui a pas fallu moins pour mettre dans sa prose française « les
tours, les détours et les contours » (qu'on me pardonne cette rémi-
niscence de Mral> de Staël,) de l'épopée catalane. Dieu ! quel voca-
bulaire inépuisable ! quelle syntaxe rompue à toutes les souplesses !
Voilà bien, inopinément renouvelée, l'antique lutte d'Entelle et de
Darès ! Pied contre pied, tête contre tête, poitrine contre poitrine,
etnulne succombant, il n'y a point de vaincu.
   Une citation, pour montrer le génie du poète et le talent du
traducteur.
   «.;.. Alcide aperçoit dans le lointain les plaines verdissantes
de l'Atlantide, les orges qui rougissent et les froments qui jaunis-
sent, comme une mer d'or qui s'étend entre les arbres et les
broussailles.
   « Il n'y a ni plages sablonneuses, ni collines vagues ; l'herbe
mouillée d'une tiède rosée, couvre tout, et le palmier échevelé y
balance entre les lianes aux tresses flexibles ses grappes sacrées.
   « En grimpant, la chèvre broute un orme savoureux au bord
d'un précipice, suspendue sur la rivière ; et d'un air de frères, les
bisons s'y groupent à l'ombre délicieuse des citronniers et des
mangliers.