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176                      LA REVUE LYONNAISE
   Si un parallèle pouvait être établi entre lui, et les chroniqueurs
qui l'ont suivi, c'est de Joinville qu'il se rapprocherait le plus. Il
a comme lui certains traits de naïveté charmante, mais là s'arrête
la comparaison. Entre le chapelain du Puy et le sénéchal de Cham-
pagne, il y a la même différence qu'entre le comte de Saint-Gilles
et Saint-Louis.
   Raymond n'est pas à proprement parler une organisation litté-
raire. Les circonstances seules l'ont amené à prendre la plume
du chroniqueur. Laissé par les événements dans sa cathédrale du
Puy, il n'eût jamais songé à chroniquer, et fût resté ce qu'il
était en Palestine, un prêtre instruit, sage, sincèrement j croyant
et profondément religieux. Il n'est pas observateur, aussi les traits
de mœurs sont rares dans son œuvre ; simplement il raconte. Et
si dans le cours de la narration un fait se présente pouvant peindre
les mœurs du temps, indiquer une coutume, trahir l'état de l'opi-
nion, on peut être assuré qu'il est simplement amené par les exi-
gences du récit.
   Il touche en passant à une question qui préoccupe certainement
les croisés d'une façon toute particulière : la question des monnaies.
Dans cet assemblage de gens de toutes nations, l'usage de monnaies
différentes, les échanges, les transactions devaient être pleins de
difficultés. Peut-être même, y avait-il en cours des monnaies alté-
rées. Ce qui suit semblerait l'indiquer. P. Barthélémy, le P. Bar-
thélémy de la sainte lance, le Barthélémy de toutes les apparitions,
va mourir et il fait ses dernières recommandations au comte.
« Toi, comte, lui dit-il, une fois à Jérusalem, (il lui prédit la prise
de Jérusalem) tu placeras la lance dans une église de saint Tro-
phime que tu feras construire. On y fera de la monnaie, et tu
jureras qu'elle ne sera jamais falsifiée ». Les préoccupations, ce-
une tête de cheval sans la langue se vendait deux et même trois sous; les intestins
de chèvre, cinq sous ; une poule huit et même neuf sous. Que dire du pain lorsque
cinq sous ne suffisaient pas à chasser la faim d'un homme... La faim fut telle dans
l'armée que beaucoup de corps de Sarrazins déjà pourris furent mangés avec avidité
par le peuple... »
  Le denier valait environ de 3.60 à 4 fr. de notre monnaie.
  Le sou d'argent valait douze deniers.
  Le gros valait à peu près autant que le sou.
  Ainsi la poule valait environ trois cent-cinquante francs, la tête de cheval cent
cinquante, les intestins de chèvre près de deux cent cinquante.