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                 BALAZUC ET PONS DE RALAZUC                       11
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   Le profond mystère des ruines, tout ce qui s'éveille la nuit de
résurrections confuses dans les pierres qui ont été des créneaux, et
dans celles qui ont été des salles de festin, dans celles qui ont été
de doux retraicts d'amour, et dans celles qui ont été des cachots,
tout cela se mouvait sourdement autour de nous et semblait pren-
dre un corps. Pour un peu, nous aurions affirmé voir, l'arc sur
l'épaule, la sentinelle vigilante faisant sa ronde sur les remparts,
ou, dans l'échauguette, l'homme de guet signalant l'approche de
l'ennemi.
   En plein jour, nous eussions été des archéologues plus ou moins
érudits. A cette heure, nous étions—presque — des contemporains
de Pons le croisé, tout à fait décidés, ma foi ! à aller pourfendre
en sa compagnie, ces mécréants de Sarrazins, violateurs du tom-
beau du Christ.
   Ce château date probablement des premières années du onzième
siècle. Il est le type de la forteresse féodale en Vivarais : vaste
enceinte solidement fortifiée , tour carrée ou donjon isolé ; dans un
coin, la demeure du seigneur et de ses gens. Tout est sacrifié à la
sûreté. Ce n'est qu'au seizième siècle qu'on songera à l'agrément,
au bien-être. Le dix-huitième apportera le luxe et la somptuosité.
Tout fait croire que ce fut le père de Pons, noble Gérard de Ba-
laduno, qui le fit construire.
   Balazuc, selon une tradition constante, avait été possédé au
huitième siècle par les Sarrazins. Il n'est pas impossible d'ad-
mettre que, cachée dans ce repli perdu du Vivarais, la petite colonie
ne se fit oublier des vainqueurs, jusqu'au dixième ou onzième
siècle. Cette transmission du type arabe, particulier à la région,
s'expliquerait par une possession de plusieurs siècles. Quoi qu'il en
soit, le premier Balazuc connu ne remonte guère qu'à l'an 1000.
   Avec l'image de ce vieux château fort que notre imagination
repeuplait de chevaliers, de châtelaines, de gentils pages, de trou-
badours, d'hommes d'armes et de varlets — le personnel du temps
— nous apparut toute cette époque étrangement saisissante et
puissante ; ce onzième siècle tourmenté, agité, fiévreux, qui pré-
para l'établissement d'un monde nouveau, et alla dans cette
gigantesque expédition d'outre-mer,— acte de foi et de profonde
politique, — retrouver au fond de l'Orient, mystérieux berceau