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                    LE PRESIDENT BAUDRIER                           143
 d'autres sauront, mieux que moi, écrire un jour ; mais, comme
 son ancien collègue à la Cour et son ami, il était de mon devoir de
 consacrer, au moins, ces quelques lignes à son souvenir bien-aimé.
 Pendant les seize ans que nous avons occupé ensemble des sièges à
 la Cour, j'ai pu apprécier aussi tout ce qu'il y avait d'intelligence
 dans son esprit, de droiture, de fermeté et, en même temps, de
 bonté dans son cœur. Affable pour chacun, les justiciables comme
 les hommes d'affaires trouvaient tous une constante bienveillance
 de sa part. Comme jurisconsulte, il fut non moins supérieur, et ses
 arrêts ont toujours porté l'empreinte de l'honnêteté la plus absolue
 et d'une science profonde du droit et de la jurisprudence, non moins
 que d'une entière indépendance.
    Aux assises, il s'était également distingué, et dans ces difficiles
 fonctions où la justice est souvent aux prises avec les plus astu-
 cieux malfaiteurs, il savait toujours diriger et dominer le débat avec
ce calme, cette impartialité, cette droiture, cette intelligence que
 demande aux magistrats le jugement de cette nature d'affaires. Il
présida, entre autres, les célèbres affaires Joannon et autres, assas-
sins de trois dames de Saint-Cyr au Mont-d'Or et celle de Grépin
qui eurent un si grand retentissement. — Plus tard, comme pré-
sident de Chambre, il fut chargé par la Cour de l'instruction des
troubles sanglants de la Ricamarie, près de Saint-Etienne. Quoi-
que très tolérant en matière politique, il n'en avait point les dé-
tours et les douteuses arguties. Sans crainte et sans ambage, il
manifestait son opinion. Aussi les gens peu délicats, quelles que
fussent leurs positions, redoutaient cette parole vive et acérée,
acquise à la défense du vrai et du bien, qui savait d'un mot quali-
fier leur conduite et apprécier leur valeur.
    Ne dois-je pas aussi parler du courage et du dévouement dont
il fit preuve, dans une circonstance mémorable, et dont il faillit
être victime ? Dans la nuit du 3 au 4 mars 1842, un incendie
allumé par un élève du collège, menaçait de détruire en quel-
ques instants toute la bibliothèque de la ville, enchevêtrée dans
les bâtiments du collège et sans qu'on songeât seulement à modifier
cette fâcheuse situation. Aux premiers cris d'alarmes, M. Baudrier
accourt ; le feu avait déjà atteint la galerie Villeroy et consumé
de nombreux volumes ; l'incendie allait gagner la grande salle ;