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144 LA R E V U E L Y O N N A I S E le danger était imminent, néanmoins M. Baudrier ne s'en effraie pas; il s'élance dans la galerie pour arracher aux flammes les volumes encore intacts; mais un affreux craquement se fait entendre ; le plafond s'effondre sur sa tête et il tomba enseveli sous ses débris. Heureusement il n'avait eu que quelques contusions \ Lorsqu'en 1878, je dus adresser au ministre de l'Instruction publique un rapport général sur l'état de nos bibliothèques. Je crus de mon devoir d'y consigner cet acte de courage et de dévouement de M. Baudrier, mais son extrême modestie m'en fit la défense formelle. Aujourd'hui, je ne saurais le taire. H. Baudrier était d'une taille au-dessus de la moyenne, bien prise, avec un léger embonpoint. Sa tête était belle, son front large et bien développé, ses cheveux noirs et épais. Il portait les favoris conformément aux traditions de la magistrature. Son œil bleu était vif, tempéré par une certaine douceur et la figure pleine et expres- sive. Il avait grand air sous la robe d'hermine. Quand la nouvelle de sa mort arriva à Lyon, l'émotion fut grande et vive au Palais où il avait laissé de si beaux souvenirs, et ses nombreux amis en furent comme stupéfaits. Mais au Palais, l'em- barras fut grand chez les anciens magistrats fidèles observateurs des traditions judiciaires et de la loi: M. le président Baudrier était l'une des glorieuses victimes de la loi néfaste qui a arraché tant d'êminents magistrats de leurs sièges et auxquels n'a pas été accordée même la distinction de Yhonorariat, récompense ordi- naire de longs et loyaux services2. La Cour ne put donc pas assis- 1 Le souvenir de cet incendie a été conservé par l'inscription suivante placée dans la galerie Villeroy : CETTE SALLE INCENDIÉE D A N S LA N U I T DU 3 AU 4 M A R S 1 8 4 2 , A ÉTÉ RESTAURÉE LA MÊME ANNÉE ÉTANT MAIRE DE LYON, J E A N - F R A N Ç O 1S T E R M E ; PREMIER ADJOINT, CLÉMENT REYRE; BIBLIOTHÉCAIRE, ANTOINE PÉRICAUD; ARCHITECTE, RENÉ DARDEL. 2 Ce ne sont pas de simples admissions à la retraite qui ont été prononcées par ce décret; ce sont des mesures pénales, emportant avec elles le caractère d'un châtiment. Non seulement les magistrats sont forcés de descendre de leurs sièges, mais tout lien entre eux et la magistrature est rompu. L'honorariat qui les laisse,