Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
142                 LA REVUE LYONNAISE
   Je n'ai pas besoin de dire que cette belle collection s'ouvrait à
tous les amis des Lettres et des belles choses. Ils y trouvaient, non
seulement, le plaisir bien grand des yeux, mais le savoir de son
heureux propriétaire, joint à une exquise obligeance, laquelle
mettait à la disposition de chacun ces trésors si bien amassés, et
M. Baudrier eût pu écrire sur ses livres, comme l'avait fait
Grolier : mihi et amieis.
   Le savant bibliophile, le consciencieux magistrat, aimait aussi à
se reposer de ses fatigjies, en s'occupant d'une magnifique collec-
tion de porcelaines de la Chine et du Japon, dont les premières piè-
ces lui venaient de son père, et que Mmc Baudrier, sa femme,
accroissait tous les jours, avec un goût et un discernement
parfaits.
   Loin de nuire aux livres, ces porcelaines en augmentaient l'at-
trait, et les lettrés amis, après avoir feuilleté les incunables,
reposaient volontiers leurs yeux sur ces objets délicats et char-
mants, mis à leur disposition par un hôte aimable qui ne dédaignait
point les jouissances de la table et une conversation spirituelle
et gaie.
   M, le président Baudrier rêvait encore naguère d'accroître
tous ses trésors artistiques pendant un nouveau séjour à Paris.
   A la fin de mai 1884, accompagné par sa femme et son fils, il
s'était rendu à Paris, suivant sa coutume, pour y explorer et
fouiller les bibliothèques, se retremper au contact des èrudits et
des savants et se tenir au courant des découvertes bibliographi-
ques. Malheureusement sa santé, déjà éprouvée, fut gravement
compromise, au début de son séjour, par une fluxion de poitrine.
Les soins dévoués des siens, joints à ceux de médecins éclairés,
avaient triomphé de ce mal, quand une fièvre intense se déclara
et ne put être coupée. On songea à faire changer d'air au malade :
mais des complications cérébrales étant survenues, tout espoir
fut désormais perdu. M. Baudrier comprit que Dieu l'appelait à
lui ; il envisagea la mort en chrétien et reçut les derniers sacre-
ments, entouré de sa famille qu'il avait tant aimée. Il s'éteignit
sans souffrances, le 17 juin 1884, à trois heures et demie du
soir.
   Telle fut la vie si bien remplie de M. Henri-Louis Baudrier, que