page suivante »
126 LA R E V U E L Y O N N A I S E Le mandat, dont la signature seule était de la main du failli Timon, avait été dressé par un ex-huissier révoqué, nommé Emile Mabuis, condamné le 21 avril 1870 à quatre mois de prison pour escroquerie. Son exhibition ne troubla pas M. Baudrier, quoique peut-être, dans ce pénible moment, il pût se rappeler la lugubre fin de son aïeul assassiné par les aînés de ceux qui venaient de l'en- lever de sa demeure. Ce fut au poste de la rue Luizerne qu'on le conduisit d'abord, lieu infect servant de dépôt ordinaire aux mal- faiteurs et aux prostituées arrêtés pendant la nuit. Il dut y passer toute la journée dans une pièce basse, humide, remplie d'une popu- lation ignoble. Le soir seulement on le transféra à la prison dite de Saint-Joseph, sans lui faire connaître le motif ou le prétexte de sa séquestration. Sa femme et sa fille accoururent en toute hâte à Lyon. Un homme de cœur, Substitut au tribunal, M. d'Alverny, sans crainte de se compromettre, se mit à leur disposition pour leur obtenir l'entrée de la prison ; mais le comité repoussa cette demande qui pourtant fut accordée deux jours après, grâce à l'appui d'un avocat républi- cain. Dans la même prison se trouvaient : M. Massin, procureur général ; M. Béranger, avocat général, blessé plus tard au combat de Nuits, aujourd'hui sénateur ; M. Morin, substitut, enlevé de son siège, à l'audience ; M. Sencier, préfet du Rhône ; M. de Laire, secrétaire général ; M. Dulac, maire d'Oullins ; M. Bellon, fabricant. On leur avait permis de faire venir leurs repas d'un hôtel voisin, mais il n'en était pas de même pour les pères Jésuites i parqués dans un préau inférieur sans communications avec les autres pri- i Ces religieuxavaient été arrêtés et détenus aussi en même temps que M. Baudrier au dépôt de la rue Luizerne. Ils y avaient occupé une chambre dont la moitié du plafond manquait et l'eau de la pluie les mondait. Le lendemain seulement on les transféra à la prison Saint-Joseph où on les fit attendre au greffe, jusqu'à midi. Ils n'avaient pas mangé depuis vingt-quatre heures et mouraient de soif. On leur apporta une cruche d'eau, mais même pas un morceau de pain;puis on les enferma, chacun, dans une cellule. Pendant leur séquestration, le poste de gardes nationaux chargé de la garde de leur maison de la rue Sainte-Hélène, pilla leurs caves, but le vin dans les vases sacrés, en dansant la farandole, en vêlements sacerdotaux, dans la chapelle. L'un d'eux fut, trouvé nanti des pierres .précieuses qu'il avait détachées d'un riche ostensoir, un autre vola une collection de mille médailjes romaines en or. (Extrait d'une procédure criminelle ouverte seulement deux ans après, au sujet de ces pro" fanatjons et de ces vols).