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                              BIBLIOGRAPHIE                                    107

est tarie; notre siècle peut se vanter de prodigieuses découvertes dans les
sciences, mais jamais l'art proprement dit fut-il plus pauvre? on ne sait plus
que copier, et souvent mal copier, l'inspiration manque et d'ailleurs où l'artiste
saurait-il trouver l'idée du beau, du grand, alors que tout est si petit autour de
lui, les hommes et les choses, que pas une pensée noble et généreuse ne se ma-
nifeste ni en haut ni en bas, et que notre société avilie et dégradée ne songe qu'à
la satisfaction de ses appétits que rien ne semble pouvoir assouvir.
   La tâche que M. Bonnaffé s'est plu à remplir était difficile ; comme il l'observe
avec justesse, s'il a été aisé de connaître et de noter le personnel des curieux,
des artistes et des marchands, les cabinets et les catalogues des amateurs du
dix-huitième siècle, il l'a été bien moins d'aborder le siècle préce'dent. « Ses
allures sont moins familières et son monde plus réservé ; c'est un grand seigneur
qui n'ouvre pas sa porte au premier venu. D'ailleurs, il a laissé peu de catalo-
gues, ses œuvres ne sont pas célèbres; il n'a pas d'experts renommés comme
Gersaint, Mariette, Remy, Basan.
   Ses curieux, à part quelques exceptions brillantes, n'ont guère fait parler
d'eux. Quant aux chroniqueurs, ne leur demandez pas des nouvelles de la cu-
riosité, ce serait peine perdue. »
   Mais M. Bonnaffé a le feu sacré, labor omnia vincit. Il a donc interrogé des
centaines d'écrivains du dix-septième siècle, s'adressant de préférence aux ama-
 teurs de cette époque qui ont eu le bon esprit de dresser, tout en faisant leurs
propres catalogues, des listes de curieux de leur connaissance ; il a interrogé tous
ceux qui ont fait des dissertations sur les beaux-arts et ont cité, en même temps,
les cabinets de leurs amis. Les Guides des voyageurs lui ont été également
d'un grand secours, et il n'est pas jusque dans la bibliothèque royale de La
Haye qu'il ne soit allé fouiller, et où, comme j ' a i pu le voir par moi-même, on
trouve des manuscrits de Peireix, si riches en notes sur les curieux du dix-sep-
tième siècle et une inépuisable et exquise obligeance chez son savant conserva-
teur M. le docteur Campbell. En furetant ainsi de çà et de là, M. Bonnaffé a pu
composer un Dictionnaire de plus de mille à onze cents biographies de collec-
tionneurs, depuis Henri IV jusqu'à la mort de Louis XIV, de toutes nos ancien-
nes provinces. Ceux de Lyon n'y sont pas oubliés non plus et Lyon, on le sait,
subissant l'heureuse influence de son voisinage de l'Italie, dès les premiers temps
de la Renaissance, avançait sur Paris. Tout en s'occupant de son immense com-
merce, le négociant lyonnais avait une véritable passion pour les lettres, les
sciences et les arts. Ses grandes imprimeries alimentaient presque exclusivement
son important marché de livres ; toute une pléiade d'hommes et de femmes illustres
écrivaient des ouvrages dont peu ont vieilli; les artistes, et des plus renommés
en tous genres, cultivaient avec un r a r e succès, la peinture, la sculpture et la
gravure, et les savants voyageurs de toute l'Europe se plaisaient à venir inter-
roger les nombreuses ruines du vieux Lugdunum romain et dont la riche épigra-
phie a fourni de si précieux renseignements pour l'histoire de la domination des
Gaules par nos conquérants. À côté de tous ces hommes d'élite se rencontraient
aussi de modestes amateurs qui recherchaient avec une infatigable patience, les
épaves de la vieille société romaine enfouies depuis plus de mille ans sous notre
sol et leur donnaient asile dans leurs cabinets. Le livre de M. Bonnaffé offre donc
aussi aux lecteurs Lyonnais le plus sérieux intérêt et il sera d'un heureux secours
pour ceux qui voudront compléter, un jour, l'histoire de l'art à Lyon, si savam-