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94 LA REVUE LYONNAISE adoptive, et pourquoi Sceaux, par suite d'on ne sait quelle mystérieuse sympathie s'était montrée si aimable, si hospitalière aux félibres. C'est qu'au fond Sceaux et les félibres, — ceux de Paris bien entendu, — exer- cent un peu le même état. Dans votre admirable vallée, sur vos coteaux, dont tout à l'heure la fraîcheur, — hélas! par trop soulignée par l'averse, — dont la grâce pittoresque, l'aspect de poétique fertilité excitait l'enthousiasme de nos amis de Provence, d'Aquilaine et de Languedoc, sur vos coteaux, dans votre vallée, vous ne cultivez ni le blé ni la vigne, mais, ainsi que les choses se passent au pays des fées, des champs d'œillets, de vio- lettes et de roses. C'est vous donti l'industrie fournit Paris de fleurs. C'est vous qui mettez un parfum de saine nature, — et de ce parfum-là , tout le monde, riche ou pauvre, en est réconforté, — dans le salon et dans la mansarde. Or, nous autres, félibres de Paris, que faisons-nous? Perdus au milieu de l'immense cité, dans un petit, tout petit jardin, pour nous- mêmes et aussi pour les autres, avec des chansons, avec des vers, nous essayons modestement de cultiver la fleur idéale qui fait qu'aux heures d'affaissement et d'amertume l'à me devient meilleure, l'ambition plus haute, la pensée plus fière, aux souvenirs du sol natal. Nous sommes, comme vous le voyez, à notre manière, des espèces de jardiniers De là , sans doute, monsieur le Maire, ce miracle d'entente cordiale et la joie com- mune que nous éprouvons, habitants de Sceaux et félibres parisiens, à fêter, avec les bons compagnons dont il est capoulié, le grand poète qui, pour vous visiter, a quitté ses plaines du pays de Mireille. Là -bas on a une coutume : les moissons finies, sur la dernière gerbe, la plus jolie fille attache un bouquet. Vous avez lu Nerte. C'est une gerbe de pur froment, rousse comme l'or, et de riche farine, que Mistral aujourd'hui apporte à la patrie française. L'honneur de la fleurir revenait à Sceaux, la plus jolie fille qui soit entre toutes les villes d'Ile-de-France. Les fleurs ici ne manquent pas, et l'on y sait com- prendre les poètes. Assurés de l'accueil, les félibres de Paris confient Mistral et Nerte au pays qu'aima Florian. On entendit ensuite la lecture, (sous l'éclatante voix de M. Jean Blaize), du rapport de Paul Maiïéton, à l'occasion du concours des Jeux floraux de Paris sur le mouvement provençal. En voici les principaux passages : Messieurs, Il y a trente ans aujourd'hui, sept chanteurs provençaux, tous flls de la terre et embrasés du même amour, se réunissaient au Châteletde Font-Ségugne, dans le pays d'Avignon, pour remettre en lumière un idiome réputé mort, mais qui s'était seule- ment obscurci. Leurs noms 1 Vous les connaissez tous : c'étaient Roumanille, An- selme Mathieu, Aubanel, Tavan, Giera, Brunet et Frédéric Mistral. Et la langue à qui ces vaillants voulaient rendre sa vieille splendeur, c'était la belle langue des troubadours, vivante encore, mais affaiblie, des Pyrénées aux Alpes, du Dauphiné au Limousin. Le premier soin de ces joyeux convives— qui s'intitulèrent mystérieusement féli- bres, — fut de décréter la publication annuelle d'un almanach provençal qui devait répandre au loin la bonne nouvelle avec de beaux vers et de jolis contes, et semer le grain d'une langue désormais fixée dans les couches profondes du peuple qui la maintenait. Ces chanteurs étaient des apôtres ; quelque chose comme un vaste embrasement du Midi s'annonçait,.,i.