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                                      FELIBRIGE                                     93
dans Paris une de ces pages exquises dont son œuvre est pleine, et il balançait
à lui seul, aux yeux des gens de goût l'effet tout entier de la prétendue résur-
rection de Béranger.
   C'est qu'il est un peu des félibres, Pierre Dupont, comme témoin ou précur-
seur. C'est que la note naturelle, franche et pure qu'il a fait entendre, une note
éternelle parce qu'elle est grande de simplicité, n'a été retrouvée que par ces
chanteurs du Midi, les félibres, dont telle est la puissance de poésie qu'ils s'im-
posent sous le voile de leurs timides traductions.
   Dimanche matin, donc, toute la Provence parisienne, avec ses chansons, ses
tambourins, ses costumes joyeux, envahissait le petit chemin de fer de Sceaux
qui préludait lui-même, à travers les jardins et les fleurs, aux farandoles de la
journée.
   Il serait trop long d'énumérer tous les convives de Sainte-Estelle. Je citerai,
d'abord, parmi les notables du Félibrige : le capoulie Mistral et les majoraux
Maurice Faure, Marius Girard, le descripteur charmant des Aupiho, Achille
Mir, le félibre populaire du Lauraguais et le baron de Tourtoulon, directeur de
la Revue latine. J'ajouterai Valère Bernard et Auguste Marin, deux vaillants
champions de la croisade félibréenne, Clovis Hugues, peut-être plus grand poète
en provençal qu'en français, Gaillard, Liouville, députés ; Gourdoux, Amy, Calvo,
Champavier, Martial Moulin, de Barruel, de Villeneuve-Esclapon, Paul Arène,
Roudouly,E. Chalamel,félibres; Elie Fourès, l'un des principaux organisateurs
de la fête; Paul Mariéton,l'historien du félibrige; comte de Constantin, Léon Riotor,
Georges Auriol, Rodolphe Salis de Montmartre en costumes provençaux ; prince
de Valori, Roland Bonaparte, Félicien Champsaur, Fernand Xau, Escalle, p r é -
sident Rigaud, etc., etc., et un gentil essaim de félibresses. Escortés du maire,
M. Grondard et de Paul Arène, président des félibres de Paris, ils sont allés,
suivis du cortège, prendre place à l'Hôtel de ville, où la bienvenue leur a été
souhaitée.
  La réponse de Paul Arène sur Florian, les jardiniers, les poètes et les fleurs
a ravi l'assistance.


          Monsieur le Maire,
   Hier, en vous quittant, j'étais assez embarrassé. Que trouveras-tu, me disais-je,
pour répondre dignement à Ja réception que Sceaux nous prépare ?
   Je Irouvai tout de suite, oh! sans peine, un mot bien simple, que je veux dire
d'abord. Le mot est : Merci ! et vous comprenez ce que peuvent mettre dans ce mot,
en fait d'affectueuse reconnaissance, les félibres de Paris, depuis si longtemps (car
cette liaison de la Provence et de Sceaux commence à tourner au mariage), depuis
si longtemps si bien accueillis parmi vous.
   Merci, tout seul, eût semblé pourtant un peu court.
   Mais il faut croire qu'il y a un dieu pour les malheureux prés'dents en quête de
discours et d'éloquence.
   Gomme je passais en bas, devant la mairie, je vis un brave homme qui préparait
de la verdure et des fleurs. Nous causâmes : c'était un jardinier, un membre de
l'honorable corporation des jardiniers, et cela me toucha de voir que des jardiniers
travaillaient ainsi, spontanément, de leur plein gré, pour faire plaisir à des poètes.
   Et une illumination me vint.
   Et je compris, monsieur le Maire, pourquoi, parmi tant de pays charmants qui font
à Paris sa verte ceinture, les félibres, d'instinct, avaient choisi Sceaux comme patrie