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— 237 — et les miliciens pour leur donner lecture de ses lettres patentes. Elles étaient peu connues, car enregistrées au Conseil supérieur en juillet 1767, elles n'avaient jamais été publiées et beaucoup de gens s'imaginaient que Dumas était seulement un chef militaire, la plénitude du pouvoir appar- tenant à l'intendant. En outre,pour «réprimer la témérité du Conseil», Dumas résolut de se rendre à la prochaine séance où il ferait un discours sur l'arrêt qui le visait, et il pria Poivre d'occuper ce jour-là le fauteuil de la présidence x. Il vint, escorté d'officiers convoqués par lui pour donner plus de poids à sa démarche. Cette invasion de militaires dans le sanctuaire de la Loi choqua l'intendant qui s'écria : « Monsieur, vous avez seul le droit d'assister au Conseil ; il est de l'essence de toute cour de justice de pou- voir délibérer librement. Dès l'instant que l'on fait entrer dans la Cour des gens de guerre, elle cesse d'être libre et n'existe plus. Nous allons nous retirer ». En vain Dumas affirme que, son autorité émanant du Roi, il est libre de se faire accompagner de ses officiers, et qu'au surplus, après son dis- cours, il quittera la salle pour ne point paraître influencer le Conseil. Poivre ne veut rien entendre et sort, suivi des magistrats. Mais il rentre aussitôt, seul, cette fois, en qualité d'intendant et de commissaire royal «pour être présent à ce que serait fait». Dumas prend la parole en enjoignant au greffier qu'il a retenu près de lui d'enregistrer ce qu'il dira, et annonce qu'il mettra aux arrêts le procureur Deribes et le conseiller Rivalz comme « premier» promoteurs de cette espèce de guerre civile ». Quand Poivre à son tour, tirant un papier de sa poche, entreprend de répliquer, le commandant se dirige vers la porte avec sa suite, et laisse l'intendant fort en colère en tête-à -tête avec le greffier2. Dumas songea d'abord à l'embarquer sans autre forme de procès sur un des vaisseaux qui, au retour de Chine, relâchaient au Port, pen- sant ainsi servir « sublimement » son Roi. Il s'interdit « cette violence » pour ne point « affliger » le ministre, mais il maintint sa décision à l'égard 1. Journal de M, Dumas, 21, 22 février 1768. 2. Journal de M. Dumas, 23 février 1768 ; Dépêches de M. Dumas, 24 février ; Mémoire et Consultation pour le S" Dumas, 42-43.