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 et les miliciens pour leur donner lecture de ses lettres patentes. Elles
 étaient peu connues, car enregistrées au Conseil supérieur en juillet 1767,
 elles n'avaient jamais été publiées et beaucoup de gens s'imaginaient que
 Dumas était seulement un chef militaire, la plénitude du pouvoir appar-
tenant à l'intendant. En outre,pour «réprimer la témérité du Conseil»,
 Dumas résolut de se rendre à la prochaine séance où il ferait un discours
sur l'arrêt qui le visait, et il pria Poivre d'occuper ce jour-là le fauteuil de
la présidence x.
      Il vint, escorté d'officiers convoqués par lui pour donner plus de
poids à sa démarche. Cette invasion de militaires dans le sanctuaire de la
 Loi choqua l'intendant qui s'écria : « Monsieur, vous avez seul le droit
 d'assister au Conseil ; il est de l'essence de toute cour de justice de pou-
voir délibérer librement. Dès l'instant que l'on fait entrer dans la Cour
 des gens de guerre, elle cesse d'être libre et n'existe plus. Nous allons nous
retirer ».
      En vain Dumas affirme que, son autorité émanant du Roi, il est libre
de se faire accompagner de ses officiers, et qu'au surplus, après son dis-
cours, il quittera la salle pour ne point paraître influencer le Conseil. Poivre
ne veut rien entendre et sort, suivi des magistrats.
      Mais il rentre aussitôt, seul, cette fois, en qualité d'intendant et de
commissaire royal «pour être présent à ce que serait fait». Dumas prend la
parole en enjoignant au greffier qu'il a retenu près de lui d'enregistrer
ce qu'il dira, et annonce qu'il mettra aux arrêts le procureur Deribes et le
conseiller Rivalz comme « premier» promoteurs de cette espèce de guerre
civile ». Quand Poivre à son tour, tirant un papier de sa poche, entreprend
de répliquer, le commandant se dirige vers la porte avec sa suite, et laisse
l'intendant fort en colère en tête-à-tête avec le greffier2.
      Dumas songea d'abord à l'embarquer sans autre forme de procès
sur un des vaisseaux qui, au retour de Chine, relâchaient au Port, pen-
sant ainsi servir « sublimement » son Roi. Il s'interdit « cette violence »
pour ne point « affliger » le ministre, mais il maintint sa décision à l'égard
     1. Journal de M, Dumas, 21, 22 février 1768.
    2. Journal de M. Dumas, 23 février 1768 ; Dépêches de M. Dumas, 24 février ; Mémoire et Consultation
pour le S" Dumas, 42-43.