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siblement ; sa contrainte dans nos conversations le laisse apercevoir et
cette disposition de sa part se manifeste surtout depuis que l'ordre de
décharger la flûte du Roi La Garonne est arrivé au port » \
      Dumas quitta Lorient le 2 avril et débarqua à l'Ile de France le
14 juillet 1767. En dépit de tous ses efforts, il ne parvint pas à rétablir la
bonne volonté avec l'intendant qui persistait à « cheminer seul », malgré
les instructions recommandant « singulièrement » aux deux représentants
du Roi « le concert et la bonne intelligence ». Il fallait « poursuivre » l'in-
tendant pour obtenir des conférences, et, bien qu'il habitât en face du
commandant, il se rendait souvent invisiblea.
      Désormais, les froissements, les conflits d'autorité, les querelles
d'amour-propre se multiplieront, d'abord de peu d'importance, puis plus
sérieux, pour aboutir à un coup d'éclat qui brisera la carrière admi-
nistrative et militaire de Dumas.

      Pourquoi cette lutte entre deux hommes qui étaient sans doute ani-
 més du même désir de bien servir le Roi ?
      Dumas y voit d'abord l'action de ses ennemis sans s'expliquer autre-
 ment là-dessus. A cette action se rattache un projet, sur lequel il reviendra
souvent, et qui n'est autre que celui de restituer les Mascareignes à la Com-
pagnie des Indes ; le « projet ténébreux » formé dès avant son départ aurait
pris naissance en haut lieu. Il existait des tractations mystérieuses aux-
quelles le duc de Praslin ne fut point étranger. Dumas fait allusion à de
secrètes instructions de la Compagnie à ses agents, connues de Poivre,
mais dont on lui refusa communication3.
      De là à soupçonner, puis à nettement affirmer que l'intendant est com-
plice, il n'y a qu'un pas. Le fougueux commandant le franchit rapidement,
puisqu'il écrit dans son journal, à la date du 6 août, trois semaines après
son installation : « Il y a trop longtemps que je soupçonne M. Poivre d'être
ici l'homme de la Compagnie ou plutôt l'homme de l'administration de

    1. Mémoire et Consultation pour le S' Dumas, 16-17.
   2. Dépêches de M. Dumas, 8 novembre 1767.
    3. Copie de toutes lettres écrites par M. Dumas, 9 novembre 1767, à M. Choquet;25 novembre, à
M. Dubuc ; 18 juin 1768, à M. Géraud ; Journal de M. Dumas, 6 août 1767.