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                                      I
      Pour F. De Sanctis, la poésie et la critique sont inséparables. Pas de
 critique sans poésie, mais de la poésie germe immédiatement la critique.
 Il faut donc examiner poésie et critique en fonction l'une de l'autre.
       Et d'abord, la Poésie.
      « La poésie est immortelle, proclame De Sanctis. On a beau dire :
la poésie est morte, l'esprit seul est, l'esprit dissout la forme, la science
tue la poésie. Il y a en nous quelque chose qui dit : non ».
      Qu'est-ce donc que la poésie ? Pour répondre à cette question, il
faut établir : d'abord ce qu'elle n'est pas, ce dont elle peut se passer, —
ensuite ce qu'elle est, ce qui lui est nécessaire.
      Pour créer la poésie certaines conditions ne sont pas suffisantes.
Ainsi, la poésie n'est pas un simple accord de sons harmonieux, ni une
copie exacte du réel. L'idéal et le beau, à eux seuls, ne sont pas l'essence
de l'art. Il ne suffit pas que la conception du poète soit juste. Harmonie,
idéal, beauté, pensée exacte, ne suffisent pas à donner à la matière poéti-
que la dignité de poésie.
      Mais tout ce qui meut puissamment le cœur humain, sous quelque
forme et avec quelque caractère que ce soit, est poésie. Car la poésie,
c'est la vie elle-même, c'est l'idée saisie par intuition directe dans la forme,
fixée dans la parole, individualisée. Le poète tire les idées de leur abstrac-
tion ; il les individualise ; il en fait des choses qui vivent. La réalité est
ainsi livrée au poète pour qu'il la dépasse et la recrée en nouvelles combi-
naisons. Chaque poésie est un nouveau Fiat qui ne représente pas le réel,
mais qui est le vrai. La poésie est création ; l'essence de l'art, c'est le
vivant. La poésie n'est poésie que si elle vit.
      Voici donc l'œuvre d'art, créature vivante. Il faut y considérer deux
choses : le contenu, la forme.
      Le contenu. Pour F. De Sanctis, le contenu n'est ni un accessoire
ni le principal de l'œuvre. Prenons le fait pur. Le fait pur, c'est le contenu
abstrait de la poésie, la matière brute, inorganique, commune à tous les
contemporains du poète. Les idées et les passions qui sont le fonds de la