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en passant le mieux que le temps et le lieu le luy permirent ». Mais quand
la porte de la chambre se fut refermée sur elle, il s'en approcha « ouver-
tement et y fist heurter par M. le Grand (Ecuyer) qui marchoit devant luy
et à ce bruit et entrée — et probablement aussi à quelques cris de Vive le
Roi — estant aussitôt reconnu par la Reyne, elle s'en vint jusques près
de laddite porte au-devant de Sa Majesté, se prosternant fort bas pour la
salluer et recevoir », et le Roi la salua, embrassa et baisa sur la bouche,
à la française. C'était la meilleure, sinon l'unique façon, de se souhaiter
la bienvenue, puisqu'il ne savait pas l'italien, ni elle le français. S'il s'est
excusé, comme le veut un autre document, de l'avoir fait attendre une
semaine pour avoir le temps de mettre à la raison l'usurpateur de terres
françaises, à quoi elle avait elle-même en tant que reine de France intérêt,
il parlait non pour elle, mais pour les assistants. Après qu'il eut salué la
duchesse douairière de Nemours, Anne d'Esté et les autres dames, il se
rapprocha de nouveau de sa femme et, la tirant près de la cheminée, il
eut avec elle une conversation, si l'on peut dire, qui ne dura pas « plus
de la moytie d'un demi quart d'heure », car, dit Cheverny, « difficilement ils
se pussent entendre ». Comme il avait envie de lui plaire, il fit demander
la signora Leonora Galigaï, et la baisa elle aussi à la française. En sortant
pour aller dîner, il dit tout bas à la duchesse de Nemours, qui faisait fonc-
tion d'interprète, « qu'il desiroit dès le soir coucher avec la Reyne sa femme
et qu'elle luy (l'y) disposast ».
      Jusque-là, les divers témoignages s'accordent, sauf en des points de
détail, mais, sur la façon dont Marie de Médicis accueillit le désir du Roi,
ils diffèrent, du moins en apparence. Au dire du grand aumônier, la Reine
fit entendre à la duchesse « qu'elle n'estoit venue que pour complaire
et obéir aux volontés du Roy, tellement qu'elle se mit au lit où le Roy alla
la trouver une heure après ».
      L'ambassadeur florentin, qui était lui-même couché, rapporta le
lendemain au Grand Duc que, d'après tous les renseignements qu'il avait
eus, la Reine s'était comportée excellemment bien ; elle a montré avec beau-
coup dé gravité une grande amabilité (piacevolezza) et avec beaucoup de
modestie, du jugement et du courage ». En voyant le Roi, elle a été émue
de respect, et d'une joie mêlée de crainte, mais elle s'est bien vite remise