Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                                  — 140 —
elle refusa de descendre à terre, « ne leur répondant autre chose, sinon que
le Roy ne l'avoit pas commandé ». Elle aborda le 3 novembre à Marseille
où l'attendaient le connétable Henri de Montmorency, le chancelier
Pomponne de Bellièvre ; la duchesse douairière de Nemours, Anne d'Esté,
italienne par son père, madame et mademoiselle de Guise et la duchesse de
Ventadour, que le Roi avait attachées à sa personne; les cardinaux de
Joyeuse, de Sourdis et de Givry, dix évêques, des conseillers du roi, des
seigneurs et des dames.
       Henri IV s'était excusé de venir à Marseille recevoir sa femme, sous
prétexte qu'à l'approche du duc de Savoie il ne pouvait distraire de son
armée une escorte d'un millier d'hommes. Mais c'était pour une autre
raison qu'il ne lui convenait pas d'avouer. Le gouvernement toscan lui
avait fait dire que la Reine aurait du plaisir à le voir pour la première fois
en habit militaire. Ah ! pouvoir des armes sur un cœur féminin. Il eut
la cruauté de la laisser languir à Marseille jusqu'au 16 novembre. La
 Grande Duchesse le pressait de venir au plus tôt apprécier la « beauté de
corps, de mœurs et d'esprit » de son épouse. Elle et sa nièce, la du-
chesse de Mantoue, étaient curieuses de voir en sa Majesté de Roi très-
chrétien le roitelet de Navarre, que Christine avait connu si petit
compagnon. Elles se lassèrent de l'attendre et reprirent la mer le 16 no-
vembre.
       Il avait eu pendant le mois d'octobre et au début de novembre bien
 d'autres soucis que le conflit avec le Savoyard. Aussitôt qu'Henriette
 d'Entragues avait été remise de ses couches, elle l'avait, par la menace
 de ne le revoir jamais plus, amené à la prier de le rejoindre. Elle entra en
 litière découverte à Lyon, escortée par le duc de Montbazon et nombre
 de gentilshommes, comme si elle eût été reine, et il vint à sa rencontre à
 mi-chemin, entre Grenoble et Lyon. Philippe Hurault de Cheverny,
 évêque nommé de Chartres, un prélat de vingt-et-un ans, qui faisait
 fonction de grand aumônier, en remplacement du titulaire, fut le témoin
 obligé d'un renouveau d'amour. Ils vécurent, reconte-t-il dans ses mémoi-
 res, « dans la mesme liberté, privauté et bonne intelligence » qu'avant leur
 séparation. Elle le suivait partout, «tenant, ce n'est pas mpi qui parle, plus-
 tost la place d'une maîtresse et d'une garce que de femme à estre reine,