page suivante »
— 135 — Médi cis, et qui avait l'humeur autoritaire de cette grand'mère. Elle n'a pas trouvé autour d'elle la chaude tendresse dont elle aurait eu besoin pour s'épanouir. Fermée et hautaine, lourde d'esprit, c'était une proie offerte à l'empressement intéressé d'un entourage domestique. Sa camé- rière, Leonora Dori, dite Galigaï, la fille de sa nourrice, la possède et la mène. Il eût fallu un mari jeune et amoureux pour rompre ses attaches et se l'attacher. Mais Henri IV avait 47 ans et son cœur avait toujours plus d'une place. Il faisait très bien sa cour par correspondance, mentant juste ce qu'il fallait pour n'être pas suspect de mentir. « Les vertus et perfections qui reluisent en vous et vous font admirer de tout le monde, déclarait-il à sa fiancée dans sa première lettre, avoient, il y a déjà longtemps, allumé en moi un désir de vous honorer et servir comme vous le méritez, mais ce que m'en a rapporté Halincourt l'a fait croître ». Il lui envoyait Frontenac, son fidèle serviteur et son plus intime confident, pour lui découvrir son cœur et sa passionnée volonté de la chérir et aimer toute sa vie comme maîtresse de ses affections. Elle répondait en termes chaleureux où, sous l'emphase italienne, perce la sincérité, que si l'opinion favorable qu'il avait conçue de quelques qualités qui pouvaient être en elle avait excité chez lui l'amour et le désir dont il lui faisait part dans sa lettre, quels sentiments de sympathie, d'estime, de respect, de servitude devait faire naître en elle, depuis qu'elle se savait destinée à l'honneur d'être sa femme, l'assurance certaine qui lui avait été donnée, par tous les récits qu'elle entendait faire, de ses perfections éminentes, fermes, très constantes et héroïques. « C'est assez dire que mon affection est si ardente et si dé- vouée que je ne suffis point à l'avouer ». « Avec mon cœur — ce cœur qu'elle lui envoyait en échange du sien — je voudrais que tout le reste de moi-même vint à vous pour être tout entière au service de votre Ma- jesté... Puisse votre Majesté, qui est mon œil, l'étoile vers laquelle regar- dent mes yeux et ma pensée toujours tendue pour lui être toujours fidèle et obéissante, favoriser mon souhait ». En dépit de son âge, le roi-soldat qui avait vaincu l'Espagne et conquis son royaume à la pointe de l'épée aurait eu peu de peine à se faire aimer de cette jeune femme enthousiaste. Mais il ne rompait pas avec sa maîtresse, et celle-ci ne désespérait