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des naufrages ' fréquents. La presqu'île Perrache n'était alors qu'une île habitée
par quelques cultivateurs, et qu'on nommait île ou brotteau Mogniat ; elle était
peu fréquentée par les Lyonnais. Je n'en parle pas davantage ; il y a encore nombre
de mes concitoyens qui ont vu exécuter l'encaissement du Rhône dans son lit actuel.
      La grande rue de la Guillotière n'était guère mieux alignée qu'aujourd'hui,
mais elle était plus étroite. L'église paroissiale actuelle formait alors une simple
chapelle, et le presbytère, un couvent de Picpus ; le tout renfermé dans un clos
au travers duquel on a ouvert la grande route de Provence. Un ruisseau dont les
eaux allaient au Rhône, du côté de Béchevelin, traversait la rue. Les gens de pied,
les chevaux et les bêtes de somme passaient ce ruisseau sur un pont. Les voitures
le passaient à gué, de sorte que, pendant les inondations du Rhône, leur passage
devait être suspendu. C'est à M. de Flesselles, intendant de la Généralité, qu'on
dut les réparations qui firent cesser cet état de choses. On lui dut aussi, dans le
même temps, les nouvelles routes dites de Grange-Blanche et de Balmont, au
delà de Vaise. Elles remplacèrent deux côtes ou rampes très rapides qui existent
encore : l'une conduit à Champ-Vert, et l'autre passe au-dessus de la maison
Tabareau.
      J'ai dit que le confluent de nos deux rivières était à la Quarantaine. Le Rhône
traversant la Saône presque à angle droit, les eaux de celles-ci étaient habituellement
de plus d'un mètre au-dessus de leur élévation actuelle ; et les rochers au-dessous
du pont du Change attiraient beaucoup de baigneurs des deux sexes. La bonne
compagnie ne dédaignait pas ces bains en plein air. Je les fréquentais, habitant
alors le quai Saint-Antoine ; et je puis attester que tout s'y passait très décemment.
      Les dames arrivaient aux bains dans de petits bateaux recouverts d'une toile,
que manœuvraient des batelières, jeunes pour la plupart, et mises d'une manière
élégante, mais convenable à leur état.
      La petite navigation de la Saône se faisait depuis la Quarantaine jusqu'à Serin,
au moyen de ces bateaux, nommés bêches ; il y en avait une multitude sur les deux
rives, et on les préférait même au passage sur les ponts, qui n'était gratuit que sur
ceux du Change et de l'Archevêché. Ce dernier, détruit, il y a 70 ans, fut remplacé
par un pont de bateaux, là à peu près où est aujourd'hui le pont du Palais ; mais
il fallait payer pour le traverser.
      Les batelets conduisaient aussi les promeneurs à l'Ile-Barbe et aux maisons
de campagne qui bordent la Saône ; car il y avait alors très peu de voitures bourgeoises
à Lyon ; on trouvait seulement quelques mauvais fiacres, quelques carioles pour
aller dans les environs. De Vienne à Lyon, on voyageait par la poste aux ânes, et,
dans la ville, on ne voyait guère rouler que les carosses de l'Archevêque, du comman-
dant, du prévôt des marchands et de quelques habitants du quartier de Bellecour.
      La nuit, la ville était éclairée par des lanternes garnies de chandelles de suif
 que le moindre vent éteignait. Aussi, les rues étaient-elles la plupart du temps obs-
 cures, ce qui procurait une ressource à nos pauvres ouvriers en soie. Lorsque la
 nuit ne leur permettait plus de passer la navette, et mieux encore quand ils man-