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 que c'était un singulier traité de paix que cette convention signée
après tant d'atermoiements, dont la ratification n'avait d'ailleurs pas
été obtenue et qui semblait, au lieu de consacrer la paix, avoir pour
effet de rouvrir les hostilités et d'instaurer la guerre. Mais on ne voulait
pas voir, et comme il n'est pire cécité que la volontaire, on ne voyait
pas. Au fond on s'assurait sur l'imperturbable confiance de la diplomatie
anglaise. On entendait bien les murmures de ceux qui, ayant été en Orient,
protestaient contre les solutions adoptées, les trouvant dangereuses en
soi, puisqu'elles n'assurent pas la paix, et leur reprochant en plus de
faire litière de nos séculaires intérêts d'Orient. La presse, d'une façon
générale, accueillait ces doléances dans la mesure où elles confirmaient
les craintes que les exigences de l'impérialisme anglais pouvaient susciter.
Mais au fond nos intérêts dans le Levant paraissent bien lointains et bien
traditionnels, plus historiques que réels. En dehors des milieux où ces
intérêts ont leur répercussion directe, l'opinion en général ne s'en émeut
guère, surtout à une heure où les plus graves problèmes se posent
devant nous, où il s'agit de savoir si nous obtiendrons de l'Allemagne
les justes réparations sans lesquelles nous ne pouvons rétablir en notre
pays, victorieux pourtant, une vie économique normale, et de savoir aussi
si nous pouvons imposer à nos ennemis d'hier les garanties nécessaires
à notre sécurité de demain. Devant des préoccupations aussi puissantes
toute autre s'efface, et on le comprend.
     Il serait cependant très dangereux de considérer les questions orien-
tales comme secondaires et négligeables. Certes c'est d'abord et avant
tout à nos relations avec l'Allemagne et à tous les problèmes qui en
découlent qu'il faut songer : notre vie nationale en dépend. Mais outre
qu'il ne serait pas digne du grand peuple que nous sommes de se
désintéresser de rien de ce qui se passe dans le monde, outre qu'il serait
vraiment paradoxal qu'au lendemain de notre victoire nous en soyons
réduits à nous replier sur nous-mêmes et à abandonner le rôle historique
que nous n'avons à aucune minute, depuis le xvie siècle, cessé de jouer
en Orient, le souci même de la paix européenne, et par conséquent de
notre sécurité, nous fait un devoir et un devoir plus impérieux qu'on ne
le soupçonne généralement en France de suivre de très près tout