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— 76 — que c'était un singulier traité de paix que cette convention signée après tant d'atermoiements, dont la ratification n'avait d'ailleurs pas été obtenue et qui semblait, au lieu de consacrer la paix, avoir pour effet de rouvrir les hostilités et d'instaurer la guerre. Mais on ne voulait pas voir, et comme il n'est pire cécité que la volontaire, on ne voyait pas. Au fond on s'assurait sur l'imperturbable confiance de la diplomatie anglaise. On entendait bien les murmures de ceux qui, ayant été en Orient, protestaient contre les solutions adoptées, les trouvant dangereuses en soi, puisqu'elles n'assurent pas la paix, et leur reprochant en plus de faire litière de nos séculaires intérêts d'Orient. La presse, d'une façon générale, accueillait ces doléances dans la mesure où elles confirmaient les craintes que les exigences de l'impérialisme anglais pouvaient susciter. Mais au fond nos intérêts dans le Levant paraissent bien lointains et bien traditionnels, plus historiques que réels. En dehors des milieux où ces intérêts ont leur répercussion directe, l'opinion en général ne s'en émeut guère, surtout à une heure où les plus graves problèmes se posent devant nous, où il s'agit de savoir si nous obtiendrons de l'Allemagne les justes réparations sans lesquelles nous ne pouvons rétablir en notre pays, victorieux pourtant, une vie économique normale, et de savoir aussi si nous pouvons imposer à nos ennemis d'hier les garanties nécessaires à notre sécurité de demain. Devant des préoccupations aussi puissantes toute autre s'efface, et on le comprend. Il serait cependant très dangereux de considérer les questions orien- tales comme secondaires et négligeables. Certes c'est d'abord et avant tout à nos relations avec l'Allemagne et à tous les problèmes qui en découlent qu'il faut songer : notre vie nationale en dépend. Mais outre qu'il ne serait pas digne du grand peuple que nous sommes de se désintéresser de rien de ce qui se passe dans le monde, outre qu'il serait vraiment paradoxal qu'au lendemain de notre victoire nous en soyons réduits à nous replier sur nous-mêmes et à abandonner le rôle historique que nous n'avons à aucune minute, depuis le xvie siècle, cessé de jouer en Orient, le souci même de la paix européenne, et par conséquent de notre sécurité, nous fait un devoir et un devoir plus impérieux qu'on ne le soupçonne généralement en France de suivre de très près tout