Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                                      — 82 — •
  difficultés percer jusqu'au Danube et libérer la Serbie. La Serbie n'inté-
  ressait pas la politique anglaise. Mais quand il s'agit de prendre un gage
  sur une des plus fortes positions du monde, nous dûmes nous effacer.
  Après cet armistice bâclé avec la Turquie, que conclut en telle hâte un
  amiral anglais qu'il fallut presque immédiatement le retoucher, ce fut
 le commandement anglais qui entra le premier dans Constantinople et
 s'y installa. Quand, à la fin de janvier 1919, le général Franchet d'Espérey,
 commandant nominal des armées alliées d'Orient, put faire à son tour,
 mais combien tardivement, son entrée à Constantinople, toutes les situa-
 tions importantes étaient entre les mains des Anglais ; ce fut une lutte
 sourde et lassante entre les états-majors, une lutte sans issue; notre situa-
 tion était au regard des Ottomans à la fois fausse et humiliante. Le général
 français, mal soutenu à Paris, dut abandonner la partie ; il revint en France.
 L'influence anglaise était dès lors installée à notre détriment au cœur
 même de la position. A dater de ce moment c'est elle qui va mener toute
 la politique des Alliés en Orient. L'opinion publique en France a eu beau
 s'émouvoir ; les grandes commissions du Parlement ont eu beau protester
contre l'abandon de nos intérêts les plus évidents, l'Angleterre continue
imperturbablement sa route, la France pour ainsi dire n'existe que pour
enregistrer et contresigner des décisions qu'elle n'a pas prises. Quand
l'Angleterre cède sur quelques points à nos revendications sur le Rhin,
elle nous impose en revanche des concessions sur les affaires orientales.
Au fond c'est un recommencement de notre politique de 1882. Dans
notre souci de ne donner aucun prétexte de relâcher les liens de notre
accord général avec l'Angleterre, nous sommes, elle le sent, prêts à aban-
donner Constantinople comme nous avons autrefois abandonné l'Egypte.
 C'est ainsi qu'après des hésitations et des remises sans nombre, on en
arrive au traité de Sèvres. La France en est responsable puisqu'elle n'a
pas su défendre sa politique contre l'Angleterre et qu'elle a apposé sa
signature au bas du traité. Mais c'est à l'Angleterre qu'incombe la grande
responsabilité, c'est à elle que reviendraient, si cette politique réussissait,
tout l'avantage et tout l'honneur.
       Il n'est donc pas sans intérêt de rechercher de quoi est faite essentiel-
lement cette politique anglaise à laquelle, bon gré mal gré, nous nous