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avec patience le poids d'un événement où la fatalité l'emportait sur sa
volonté.
Pensionnaire de la fameuse Catherine II, Vernègues avait toujours,
dans ses déplacements, fréquenté la classe moscovite et se vantait, en
particulier, de la bienveillante amitié d'un grand personnage, autre que le
comte de Cassini, et dont il avait été l'hôte pendant une semaine ou deux.
Le tzar entretenait, en effet, deux délégués à Rome, l'un près de Pie VII,
l'autre près de Victor-Emmanuel, roi de Sardaigne, dépossédé du Pié-
mont. Celui-ci, du nom de Lizakewitz, peu goûté dans les antichambres
cléricales, où l'on critiquait son manque de franchise, sa jalouse perversité,
une aversion très peu dissimulée pour son collègue, imagina prompte-
ment le stratagème qui délivrerait son client de toute crainte d'être enfer-
mé. Il lui conseilla d'adresser à Saint-Pétersbourg la demande d'un
diplôme de naturalisation russe et la faculté d'arborer la cocarde de cette
nation. La réponse favorable arriva le 21 décembre ; muni d'un tel sauf-
conduit, Vernègues se persuada être à l'abri de tout enlèvement et hors
d'atteinte des lois du pays qu'il avait si prestement répudié, il sortit de
sa retraite, se montra dans les cercles et les salons, se promena au Corso
avec des airs de bravade, où se devinait plus d'orgueil que de prudence.
Les informations affluèrent au palais Lancelotti ; leurs paroles ne tombè-
rent pas dans l'oreille d'un sourd ; sans le moindre retard, le maître de la
maison tailla sa vibrante plume de Tolède et, heureux au-dedans du
bon tour qu'il jouait au ministre, il vida son encrier pour le sortir d'une
ignorance beaucoup plus feinte qu'il ne pensait, et l'étonna en l'instruisant
de ce qu'il aurait dû apprendre de sa propre bouche. A la secrétairerie
d'Etat, on ne perdit pas le sang-froid ; on couvrit la carte forcée, posée
sur la table et, dans la nuit du 25 au 26 décembre, on procéda à la déten-
tion du dénoncé ; il fut conduit discrètement dans une cellule du château
Saint-Ange.
Ici se clôt la première partie de l'aventure ; le rideau néanmoins se
lèvera bientôt sur un imbroglio de scènes plus curieuses encore que le
début de la pièce.
Il serait superflu d'annoncer, Ã cette place, que le sollicitant de la
première heure ne lâcha pas le morceau et ne recula pas d'une semelle ;