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        LE BANQUET DES INTELLIGENCES

      Nos grands-pères étaient plus gais que nous. Ils en avaient le temps. La vie,
pour eux plus facile et plus calme, leur laissait des loisirs qu'ils étaient heureux
de consacrer à l'amitié, aux jouissances de l'esprit et aussi aux plaisirs de la table
que jamais un vrai Lyonnais ne dédaigna. On trouve donc trace, ça et là, entre 1810
et 1850, d'une série de petits groupes qui, dans notre ville, se réunissaient périodi-
quement soit pour deviser joyeusement entre intimes, dire des vers et chanter, soit,
plus prosaïquement, pour dîner en commun chaque semaine ou chaque mois.
      De la plupart de ces cénacles de poètes, de chansonniers ou de gourmands,
il ne nous est resté que le nom. Que savons-nous de la « Réunion de la Petite Table »
qui se dispersa à la fin de 1819 et qui avait lieu les samedis soirs' Ou de la « Société
des Amis de la Muse » dite aussi l'« Agape des Francs-Cœurs », s'assemblant aussi
les samedis, vers le milieu du siècle dernier, pour dîner chez Pochon, place de
la Miséricorde i
      La « Société Epicurienne de Lyon », qui datait de 1827 et comptait des mem-
bres titulaires et des correspondants ', nous a laissé du moins deux ( i) recueils de
poésies, l'un intitulé le Caveau lyonnais et daté de 1829 « seconde année ».
      On connaît mieux un groupement similaire qui fit jadis quelque bruit et qui,
de 1841 à 1858, compta parmi ses adhérents la plupart des notabilités lyonnaises.
Ce petit cercle s'appelait « La Chose », ou la « Société des Intelligences » ou encore
« Les Bonnets de Coton ». Son histoire peut être reconstituée en partie, à l'aide des
ouvrages ou de la correspondance de son fondateur Léon Boitel et de ses secré-
taires, Michel Genod et Alexis Rousset ; à l'aide surtout des deux recueils, le dernier
inachevé, que publia cette société.
      Ces recueils, tirés à 30 exemplaires et aujourd'hui rarissimes, se trouvent heu-
reusement à la Bibliothèque de la Ville de Lyon, et les possesseurs antérieurs des
deux précieux in-24 — I e bibliophile Léon Cailhava, puis son neveu Stéphane Mes-
tre, les ont enrichis de notes manuscrites qui nous ont permis de compléter cette
étude sur bien des points.




     Faut-il rappeler à des Lyonnais ce que furent ces compatriotes?'
     Léon BOITEL (1806-1855) était le fils d'un pharmacien de la rue Lafont. Refu-
sant obstinément de tenir à son tour l'officine paternelle, il fut, malgré tout, poète
journaliste, vaudevilliste et imprimeur. C'est lui qui créa la Revue du Lyonnais