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— 254 — « Quel est le résultat final de ce drame à un seul acteur, au lieu du grand drame national et européen que la révolution, réglée et laissée à son propre mouvement, pouvait dérouler pendant ces trente dernières années ? Vous le voyez, un nom de plus dans l'histoire ; mais les limites de la France, resserrées par l'inquiétude de tout l'Occident désaffectionné ; mais l'Angleterre réalisant, sans rivale, la monarchie universelle des mers ; et en France même la raison, la liberté et les masses retardées indéfiniment par cet épisode de gloire et ayant peut-être à marcher plus d'un siècle pour regagner le terrain perdu en un seul jour ». Louis-Napoléon protesta dans une longue lettre adressée à Chapuys- Montlaville et que la Patrie du 23 août inséra. Il s'affligeait que Lamartine eût si mal rendu justice à celui que lui-même ne craignait pas d'appeler le « premier organisateur de la démocratie française », le « promoteur le plus fervent de la civilisation ». Ce jugement est curieux à relever sous la plume du « petit neveu » qui commence sa marche sinueuse dans le rayonnement projeté par le « grand oncle ». Celui qui, vingt-cinq ans plus tard, jouera la comédie de l'Empire libéral, s'exerce à maintenir la confusion que les couplets alertes de Béranger et les vers éloquents de Victor Hugo ont jetée dans les esprits ; n'est-ce pas, depuis 1830, un dogme accepté par les partis les plus avancés, que Napoléon fut l'héritier de la Révolution, qu'il sortit du peuple et travailla pour le peuple, et que sa défaite ouvrit l'ère de la restauration monarchique et de la terreur blanche ? « Il fut le roi du peuple, écrivait le prisonnier de Ham, tandis que les autres furent les rois des nobles et des privilégiés... Consul, il établit en France les principaux bienfaits de la Révolution ; empereur, il répandit dans toute l'Europe ces mêmes bienfaits. Sa mission, d'abord purement française, fut ensuite humanitaire ». Lamartine, provoqué indirectement, ne répliqua pas. Mais Chapuys- Montlaville, ayant accusé réception de cette lettre, s'en vit adresser une autre, le 15 septembre, par Louis-Napoléon. En voici les dernières lignes : « Il me reste encore à vous exprimer l'espoir que ma lettre n'ait pas blessé M. de Lamartine, car je rends pleine justice à ses hautes facultés, et c'est même parce que je lui rends justice que je déplore amèrement