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398 HENRI HIGNARD à un ami que tu l'envoies, et même plus qu'à un ami, à un frère, qui, loin de chercher à se moquer de toi, se réjouira si c'est bien, et si c'est faible encore, tâchera de t'indiquer les moyens de faire mieux, parce qu'il ne désirerait rien tant que de te voir devenir un homme distingué. D'ailleurs, un homme de quarante ans qui a vieilli dans le travail pourrait bien se blouser complètement sur ces questions; par conséquent, on ne peut pas exiger de toi des mer- veilles. Ou bien, serait-ce qu'il est ennuyeux de recopier quelques pages? Je n'ose pas le supposer, mon ami, car si on s'y met une bonne fois pour faire plaisir à son frère, on en sera bientôt débarrassé. Il est aujourd'hui dimanche, et je pourrais être sorti depuis une heure, et cependant je reste pour t'écrire, et c'est très naturel, puisque je t'aime, si aucune de ces deux raisons-là ne te retiennent, j'espère que je recevrai bientôt ces discours, au moins en partie. Si tu savais combien j'envie ton sort, heureux mortel, de vivre à la campagne! moi qui reste huit jours,de suite enfermé dans une maison, sans voir autre chose que quinze ou vingt pauvres arbres qui dépérissent faute de soleil. Le dimanche, même, quand je sors, je ne puis voir un peu de verdure que dans les jardins publics, aux Tuileries, par exemple. Il est vrai que c'est admirable et que l'imagi- nation a peine à se figurer un plus beau spectacle, surtout lorsque les lilas et les rosiers sont en fleurs, comme il y a quinze jours. Mais c'est égal, c'est bien loin encore d'une belle cam- pagne naturelle, où les arbres ne sont pas rangés sur des lignes droites, où les allées ne sont pas tirées au cordeau, où l'on peut se rouler sur l'herbe; et tout cela, tu en jouis maintenant. J'espère que tu profites bien de ton bonheur, que tu te promènes bien, joannès, encore trois mois, rien que