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398 DEUX DOULEURS
Partout dans les salons, en hauts lieux, Ã la ville,
On déplore, on s'émeut ; Von vient en longue file,
Avec des airs d'emprunt, apporter son tribut
D'hommages, de respects et de condoléance
Au château dont la tour majestueuse lance
Aux profondeurs du ciel un orgueilleux salut.
Mais vide est le chemin qui mène à la chaumière
Dressant son humble toit, tout près de la lisière
Du parc seigneurial ;
Entre ses murs étroits s'abritent les alarmes
D'une femme ignorant le bien que font les larmes
D'un ami cordial.
Chaque mère pourtant souffre un même martyre,
Pour la même raison, chacun des cœurs soupire :
Identique est la peine, égaux sont les malheurs,
Mais le rang social séparant ces deux femmes,
Ne leur a point permis de rapprocher leurs âmes
D'unir leur infortune, et de mêler leurs pleurs.
Riches, si vous voulez que les pauvres vous aiment,
Et contre vos grands biens nullement ne blasphèment,
Veillez sur eux toujours.
Sachez les consoler quand fond sur eux l'épreuve
D'autant plus dure que l'âpre misère abreuve
D'amertume leurs jours.
' Ne fermez point voire âme à leur humble souffrance,
Ne pensez point qu'à vous, portez-leur l'espérance
Qu'engendreront pour eux vos bienveillants souris ;
Si l'épreuve vous frappe au sein de vos richesses,
Vous vous trouvez du moins à l'abri des détresses
Et promenez vos deuils dans l'or de vos lambris.