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                      NOTES D'UN PROVINCIAL                           367

fougue, et la vigueur, et l'audace, mais il semblerait que la
peinture existe d'abord pour qu'on y discerne quelque
chose (3).
   Ingres était à deux pas de là, représenté magnifiquement,
on peut dire triomphalement, par son Saint Symphorien (4).
Quelle oeuvre, et comme on a eu raison de l'arracher pour
quelque temps aux demi-ténèbres de la cathédrale d'Autun !
Elle éclatait presque sans rivale sous le dôme du palais des
Beaux-Arts. Le seul personnage du martyr, son visage
transfiguré, son attitude et la robe blanche dans laquelle il
est drapé, suffiraient à la rendre incomparable. La foule
derrière lui est bien quelque peu entassée, mais la figure du
centurion à cheval, qui, grave, impitoyable comme la loi
romaine, d'un audacieux et célèbre raccourci de bras,
enjoint au licteur d'exécuter les ordres de Rome, la domine
et s'en dégage admirablement, et de concert avec celle du
saint, donne son unité, sa clarté, son sens, son expression
à tout le tableau. Ce saint Symphorien est le type achevé
des beaux martyrs mélancoliques qui mouraient dans l'arène en
regardant le ciel.

       Où le conduisez-vous ?
                                 A la mort.
                                              A la gloire !


   (3) Delacroix ne serait-il pas, à sa façon, victime, lui aussi, d'une
critique qui s'obstine à ériger ses défauts en qualités ? Le Saint-Sébastien
de l'église de Nantua eût été certainement mieux compris du public que
tout ce qu'on a exposé de lui. On dirait l'œuvre d'un grand Italien de la
Renaissance : c'est pourquoi, sans doute, les enthousiastes, la déclare-
raient une étude, et que ce n'est point là Delacroix.
   (4) Jupiter et Thètis n'est qu'un exercice et une copie-pastiche d'après
des documents antiques.