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64 IA CÈNE. peintre court risque de diminuer la spiritualité de l'expression sur cette bouche où rien ne doit apparaître que d'immatériel. Nous reprocherions à la figure de saint Jean d'être empreinte d'une trop grande jeunesse, d'une quiétude un peu passive et sous laquelle on ne sent pas assez le travail de l'esprit,si la place qu'occupe l'apôtre sur le sein même du divin maître n'impliquait pas le repos absolu, la quiétude éternelle, l'absence de tous ces orages intérieurs, de tous ces combats de la pensée qui donnent à la physionomie ses détails et la virilité de son expression. Nous adresserons aussi quelques critiques, au point de vue interprétatif, à la tête de saint Pierre placé de l'autre côté du Sauveur. Cette figure nous semble pleine d'une distinction et d'une intelligence trop modernes ; les yeux et la bouche indiquent une sagacité et une pénétration, qui n'excluent pas le respect et la douceur, et qui s'éloignent beaucoup du type traditionnel du prince des Apôtres. On a toujours représenté saint Pierre comme un homme d'action, de passion même, égale- ment ennemi du mysticisme et des subtilités logiques, qui, n'ad- mettant ni l'hésitation raisonneuse, ni le quiétisme, et chez qui la foi est entrée tout d'une pièce pour se traduire en actes immédiats. Ce caractère dogmatique et agissant de saint Pierre, qui le désignait comme le fondateur de l'institution temporelle de l'Eglise, est rendu par les peintres anciens d'une manière plus satisfaisante que par M. Janmot , dans une tête dont le front a plus de largeur que d'élévation, au crâne à demi dépouillé de ses che- veux noirs et peu crépus, et dont le menton large et court est tout l'opposé de cette forme effilée qui dénote à la fois moins d'énergie et de passion et plus de raffinement dans l'esprit. En étudiant toutes les autres figures d'Apôtres, la critique la plus méti- culeuse ne peut qu'approuver sans réserve la variété et l'exquise propriété des expressions. Toutes ces âmes si diverses sont réunies cependant dans un sentiment commun, et ce n'est pas un mince mérite que la parfaite unité qui coexiste dans cette œuvre avec une si rare variété de physionomie. En général, il régne actuellement dans la peinture sérieuse une grande monotomie de types, qui provient moins de la rareté des modèles, que du défaut d'instruc- tion et de philosophie des artistes. Les types les plus différents ont