page suivante »
ENCORE L'ESTÉREL 439 Quant à ce qu'il en reste, ce n'est pas de la misère, c'est de l'indigence. Du Sémaphore, on aperçoit le château de la Napoule, le fort de l'île Saint-Honorat, les montagnes tourmentées de l'Estérel qui se profilent au nord sur un ciel bleu et se terminent par les pics du Mont-Vinaigre. Les Alpes blanches de neige dans le lointain couronnent ce ravis- sant panorama. C'est en remontant la petite riyière qui se jette à Agay, dans la mer, que l'on peut parvenir à ce Val infernal que j'ai déjà fait connaître. Si l'on a pu se procurer une barque au pied du Dar- mônd, qui vous attende dans la baie d'Agay, en la con- tournant du côté de la mer, on peut yisiter une grotte intéressante, à peine connue des habitants d'Agay. Elle se trouve au-dessous de la tour du Darmond et son orifice se dessine dans une paroi complètement abrupte de porphyre rouge, dont le pied plonge dans une mer probablement profonde , car l'eau y est d'un bleu foncé, indice certain de grandes profondeurs. La grotte peut avoir 50 mètres environ de long ; elle est bordée tout le tour par une multitude de madrépores qui en obstruent presque l'entrée. Sa forme rappelle de très-loin, il est vrai, celle de la grotte de Fingal, mais les masses de roches ignées, variant de couleurs à l'infini, offrent un spectacle moins grandiose et moins sévère, mais plus étrange et plus saisissant. C'est dans la tour d'Armont, que la fougueuse et infor- tunée reine, Jeanne l ra , s'était réfugiée pour échapper aux soldats de Charles Durazo, qui s'était emparé du trône de Naples et c'est du rivage d'Agay que cette mal- heureuse princesse s'embarquait pour reprendre possession du royaume de Naples, où elle aborda le 22 mai 1382, et où, au lieu d'une couronne, elle trouva une mort horrible, étouffée qu'elle fut entre deux matelas.