Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
48                    UNE FEMME MURÉE
    Lorsque la pluie tombait a torrents sur les hautes tours
 du manoir, Gabrielle, assise dans la vaste salle, près
 d'un feu pétillant, sur le fauteuil seigneurial, lisait à
 haute voix, aux compagnons de sa solitude, les annales
 de l'abbé de Pingon ou les livres saints, et quelquefois aussi
 les poésies des trouvères, de la gaie science provençale,
 et de la cour de France.
    Souvent pendant l'absence de son père, Gabrielle ren-
 dit justice elle-même aux vassaux de la seigneurie, et le
sénéchal, ravi de sa sagesse et de son équité, ne chan-
 geait rien à ses décisions. Elle recevait auss^ les rede-
 vances, et, avec la plus admirable économie, après avoir
envoyé à son père les sommes demandées, elle trouvait
 encore la part des pauvres et des pèlerins.
    Tous les dimanches, Gabrielle chantait, dans la cha-
pelle du château, les louanges de Dieu en s'accompa-
gnantde son luth et quelquefois aussi dans l'église pa-
roissiale de Saint-Ennemond. Une foule, avide de l'enten-
dre, se pressait alors dans l'enceinte sacrée.
    Gabrielle n'avait pas vu son père depuis quatre ans,
quand il rentra chez lui avec ses gens d'armes et ses
compagnies d'archers, après avoir, au Louvre, assisté
au mariage de Philibert-Emmanuel. Toute la joie de la
seigneurie fut troublée parle retour du terrible seigneur;
la paix était alors générale, plus de guerre ; une époque
de bonheur allait commencer pour les Etats de Savoie,
   Gaspard parut ravi de sa fille, de sa raison et de soii
charmant esprit, mais hélas I il comprenait peu les
moyens de la rendre heureuse! Déjà même, il formait, en
secret, le projet de se choisir une seconde épouse, ne pou-
vant se consoler de n'avoir point de fils.