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400                  UNE FEMME MURÉE




                            IX
                     HEUREUX ÉPOUX

   Cependant le jeune chevalier sentait s'augmenter cha-
que jour une profonde admiration, une douce sympathie
pour la sage Gabrielle. S'unir à elle pour toujours, par
un lien sacré, devint bientôt lé vœu ardent de son cœur.
Sans aucune fortune, pouvait-il espérer d'être choisi par
elle ? Quelquefois ses bontés pour lui, celles de Guillaume,
lui en donnent l'espérance. Alors il prie, il demande à
Dieu le don d'une épouse aussi parfaite.
   A peine deux mois s'étaient écoulés depuis le départ de
Gaspard, Roger, à peu près rétabli, se préparait à quitter
le château, lorsqu'une lettre du père abbé de la char-
treuse d'Arvière apprit que le seigneur Gaspard deMor-
nieux venait de mourir sur la cendre, dans de grands
sentiments de pénitence et de contrition. Un drapeau
noir s'agita huit jours sur le plus haut donjon; des
prières furent ordonnées, un service solennel. Roger y
assista en vrai chrétien qui sait pardonner, puis il se
prépara au départ.
   « Adieu, lui dit-il, noble damoiselle,vous qui avez été,
pour la sœur et le frère, l'ange de la consolation. Mon
cœur ne vous oubliera jamais. » Il ne put en dire davan-
tage et monta à cheval sans retourner la tête. Les sévères
attraits de la vie de chevalier de Malte lui apparurent
alors insuffisants pour remplir son cœur ; mais il n'osait
s'en ouvrir à personne.
   Le seigneur de la Roche avait appris,avec la plus pro-
fonde douleur, la mort terrible de sa fille. Rogey le trouva
bien changé, bien souffrant, ses fils aines étaient près
de lui.
   «Mon enfant, dit-il au chevalier, vous et moi fûmes
coupables envers Emma, cette douce victime d'un époux
barbare. Je déplore ma fatale ambition; vous, vous devez
regretter à jamais votre fatale imprudence et la folie
de votre entreprise. Pourquoi ne m'avoir pas appris votre
projet? Je vous aurais fait connaître le caractère jaloux,
emporté de votre beau-frère. Mieux valait ne voir votre
sœur que pendant l'absence de son mari. »