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                     UN POEME CHINOIS                     285

D'autre part, le poète fait allusion à la robe sans ceinture
de l'empereur Kie et au sel et à la saumure du tyran
Shéou, ces deux derniers, rejetons corrompus des dynas-
ties Hia et Shang, dont les vices et les crimes amenèrent
la destruction de leurs familles. Le premier, sans cein-
ture, ne pouvait nécessairement posséder le fruit, appelé
Kiony, qui donne l'immortalité ; le second, non content
de condamner aux plus cruels supplices les vertueux di-
gnitaires, qui s'opposaient à ses exactions, avait ordonné
que lenv chair, conservée dans la saumure, serait servie à
ceux qui seraient tentés de les imiter. Hélas ! les courti-
sans et les flatteurs n'ont pas toujours habité les palais !
Les places publiques d'Athènes et de Rome ont aussi
possédé les leurs ; si les rois en ont eu, les peuples n'en
ont pas moins parfois !
   Dans le poème du Li-Sao, les allusions,, les antithèses,
les allégories, les métaphores s'enlacent, se multiplient
et se croisent, en tous sens. C'est un dédale inextricable,
pour tout autre qu'un fort lettré. Dans une strophe, le
poète dit, à peu près, en ces termes ;
 Je garde ma pureté, pour mourir dans la droiture ;
 Assurément, c'est ce que les anciens sages eussent estimé.

  La langue française ne se prête pas à l'interprétation
du style concis et allégorique de ce texte. On dirait plutôt
du latin :
  Custodiens (meam) limpidam albedinem, morise justus ;
  Quod certe ab antiquis sanctis sestimatum (fuis).

  Dans un autre passage, M. d^Hervey traduit le terme
shen par notre mot, humanité, d'après la synonymie d'une
glose chinoise, qui le traduit également par le sens de
bonté extrême, sagesse parfaite, douceur, bienveillance.