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 136                  UNE FEMME MURÉE

    Cette réponse attendrit Gabrielle ; elle pensa avec effroi
 aux*)our-> de douleur réservés peut-être à cette naïve
 enfant, timide et craintive comme la biche des bois ;
 mais elle-assura le comte qu'elle était satisfaite de son
 choix et qu'elle serait toujours pleine de déférence et
 d'affection pour l'épouse de. son père.
    Gaspard de Mornieux avait fait nombre de deman-
 des à Chambéry, mais aucune que la dernière n'avait
 été acceptée. Tous les parents soucieux du bonheur de
 leurs filles se hâtaient de refuser. On connaissait les
 emportements farouches du terrible châtelain, ses colè-
 res tyranniques, son ambition démesurée. Seul le comte
 de Lausac, ruiné par une fatale administration, espéra
 trouver un appui dans un gendre puissant, et père am-
 bitieux plus que tendre, il accueillit la demande du sei-
 gneur de Gramont et lui accorda la main de sa fille.
    — « Vous deviendrez comtesse,dit-il à Emma qui igno-
 rait la réputation de Gaspard, vous aurez dans l'aima-
ble fille de vôtre époux une charmante compagne; ma pa-
role est donnée. Ce soir le seigneur de Gramont vous sera
 présenté à titre de fiancé, et demain vous partirez pour
 aller passer à Montmélian les trois mois qui précéderont
 votre mariage. »
    Après ces mots, le comte de Lausac s'éloigna.
    Emma pleura avec amertume ; son frère Roger, son
 bien-aimé frère n'était pas là pour la consoler, la sou-
tenir dans sa peine.
   — Eh quoi! se disait-elle, me marier, quitter si jeune
mon père, mon pays, pour donner ma main à un homme
de l'âge de mon père ; est-ce possible ? Oh ! que ne me
laisse-t-on donner à Dieu ma vie et mon coeur !
   Si Emma eût osé, elle serait allée se jeter aux pieds
de son père, le suppliant de lui permettre d'entrer pour