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                      LE SERGENT MODAS                      71

  canon tonnait. Une nouvelle bataille éloignai la paix ;
 les campagnes succédaient aux campagnes, et les soldats
 ne rentraient toujours pas au pays. Enfin arriva la mal-
 heureuse campagne de France : blessé à la Eothière, le
 sergent fut dirigé sur Dijon. Il commençait à peine à se
 rétablir, quand soudain, vers la fin de décembre, il ap-
 prend qu'une armée ennemie, composée d'Autrichiens,
 entre en France parla Suisse et le Jura. A cette nouvelle,
il pâlit de colère. Quoi ! l'Autrichien va souiller son sol
natal, fouler l'herbe vierge de sa montagne, mêler un
 souffle d'esclavage à l'air pur qu'on y respire ! Non, non,
ce n'est pas possible, sa montagne, il la défendra ! Et la
rage lui donnant des forces, il part sans délai, le bâton à
la main. Trois jours après, sur le soir, il suit le petit sen-
tier tracé dans la neige, frappe à la porte de la chau-
mière que depuis si longtemps il n a pas vue, et se jette
dans les bras de sa mère. La vieille montagnarde com-
mençait à s'endormir au bruit de son rouet ; les ans ont
ridé son front, mais elle est encore verte. Elle se lève en
pleurant de joie : « Oh ! mon François ! » — « Oh ! ma
mère !» — « La guerre est donc finie, tu ne me quitteras
plus ! » — « Hélas ! mère, elle commence ! c'est le Bu-
gey qu'il me faudra défendre. Mais malheur à l'envahis-
seur ! »
    Cette soirée, il la donne à sa chère mère ; mais le len-
demain, dès l'aube, il descend à Nantua pour avoir des
nouvelles. Peu de soldats, quelques braves, y sont rassem-
blés pour résister à l'Autrichien : avant cinq jours, dit-on,
il sera aux portes. Modas parcourt les fermes, et à sa voix
braconniers et chasseurs prennent leur fusil à pierre au
manteau noirci de la cheminée. Au jour dit, on sera prêt*
on soutiendra la troupe ; l'Autrichien verra ce que sont les
Bugistes.