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72 LE SERGENT M0DAS En effet, cinq jours après, un paysan venant de Belle- garde annonce qu'un régiment de dragons autrichiens, renforcé par de l'artillerie et de l'infanterie, passe la nuit à Châtillon ; et que le lendemain il quittera la capitale de la Michaille pour marcher sur Nantua. Soldats et volontaires délibèrent : on attendra l'en- nemi sur les bords du lac de Sylans, la troupe occupera la route et la prairie avec deux canons; Modas et ses com- pagnons les rochers et le bois de sapins qui commandent là route, encaissée entre la montagne et le lac. A l'aube, les braves sont sur pied ; on distribue du pain et de l'eau- de-vie, et chacun va occuper son poste dans la neige. Le temps est sec etfroid ; le lac est gelé, et les grands sapins, couverts de flocons blancs^ abaissent leurs longs bras vers la terre comme pour cacher sous leur abri les dé- fenseurs du sol. Depuis deux heures déjà on attend en silence: les pieds 'immobiles b'attachent à la terre et des glaçons se forment aux moustaches. Enfin un roulement sourd se fait en- tendre : Modas se jette à terre, l'oreille sur la neige. — .« Dans un quart d'heure, » dit-il en se relevant, « nous aurons les éclà ireurs sur les bras, et si je ne me trompe, les autres ont bien avec eux dix canons. Toi, Bosquet, va avertir la troupe, et vous, mes amis, apprêtez vos armes; » Un berger, sur son ordre, grimpe sur un arbre et signale bientôt cinq dragons sur la route. — « Que pas uû ne tire sans mon ordre ! Baudin, Nicot et les deux Grinod, vous choisirez chacun votre homme ; pour moi, je me charge du cinquième. » Cinq cavaliers au galop apparaissent au tournant: cinq coups dé feu partent et en renversent trois. Mais: derrière eux arrive une troupe compacte-, c'est le reste; du régiment, « Feu ! mes amis, feu! sur les Kaiserlich ! »