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LE SERGENT MODAS 69
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annonçait les'chiens perdus sûr la petite place du vil-
lage ;• tout enfants,- nous courions aubruit de ses roule-
ments,- et il nous-régalait toujours de quelque plaisanterie
joviale. C'était encore le père Alex, quiiparaissait chaque
année an comice agricole en costume de grenadier ";: et
puis le garde champêtre Sonthonnax, à qui Napoléon,
avait dit un jour « Vieillebête ! H : Aussi' un seul verre de
vin, accompagné- d'un- Vivel'empereur ! suffisà it-il pour
le griser.
Je les ai tous1 présents à la mémoire, ces vieux soldats
qui dorment à ; présent du sommeil de la mort dans le pe-
tit cimetière- du village, qu'enclôt un- mur de pierres
sèches et où' l'herbe croît librement entre les croix de-
bois.
Mais il en est un dont le souvenir m'est cher et pou? la
mémoire duquel j'ai conservé une sorte dé vénération ;
c'est lé sergent Kfodas. Il vivait à Charix du rapport des
quelques terres que lui avait laissée-:- sa'mère et dé-la
petite pension que lui servait le gouvernement. La se-
maine, vêtu comme tous les -paysans ses voisins, il se
mêlait à r leurs travaux ; le dimanche, il revêtait un vieil
habit noir à 'bôutons de métal, auquel il attachait sa croix-
d'honneur. Puis-, le gros livre d'heures sous le bras, il se '
rendait à la petite église ; là , il prenait place dans" le-banc
de sapin', à 1 côté du chantre. C'était alors qu'il redressait
sa haute" taille un peu voûtée d'ordinaire, c'était albr-s
que son-toupet gris se tenait droit : on Feût dît à la pa-
rade.
ÂK'l aimait-il'le: Bugey ! il ne comprenait pas" qu'on pût
être heureux- sansy êtrené. Souvent, du haut de la mon-
tagne, il'me montrait du doigt les plaines de- la Bresse
parsemées d-étangs qui brillaient au soleil. « Si-j'étais né
là -har, Joseph, »: me disait-il,. « je serais- mort» depuis