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748 LA REVUE LYONNAISE OCTAVE PIRMEZ. — LETTRES A JOSÉ (œuvre posthume). Paris,Librairie académique Didier. Emile Perrin, libraire-éditeur, 35, quai des Grands- Augustins, 1885. Octave Pivmez, un Belge, aujourd'hui décédé, mériterait d'être plus connu en France et plus universellement apprécié qu'il ne l'a été. La publication'de ses Lettres à José, faite, après sa mort, par leur destinataire, lui vaudra peut-être un peu de cette célébrité qui lui a fait défaut de son vivant. La note particulière de son talent, métaphysique et chrétienne, suffirait peut- être à expliquer l'oubli relatif où le public a laissé un écrivain fort bien doué, tel qu'il était. Mais je crois que pour être complet, il convient d'ajouter que le côté rêveur et mélancolique de as gentleman-far mer, vivant noblement, comme on disait autrefois, sur ses terres, y a contribué pour quelque chose. Cet esprit, peu soucieux des réalités delà vie, presque uniquement occupé à l'étude contem- plative de lui-même, était peu fait pour plaire aux générations présentes. On va plutôt aux ardents, à ceux qui se plongent dans les âpres mêlées de la vie mo- derne. La sentimentalité dePirmez, exquise pour quelques-uns, doit sembler fade à d'autres. Je n'approuve ni ne blâme ; je me borne à constater un fait. « Je suis un bénédictin sans froc, dans un couvent sans enceinte, un religieux sans devoirs obligés, dans une liberté que la conscience seule limite, livré à tout le charme du silence, des songes et des aspirations. » C'est ainsi qu'il se dépeint lui-même. Multiple dans ses aspects, éternellement variée dans le retour uniforme de ses' saisons, la nature est la grande inspiratrice d'Octave Pirmez. Elle lui a dicté des pages délicieuses et qui peuvent supporter la comparaison avec les meilleures. Son amour pour elle rejaillit sur toutes les créatures qui la peuplent et qui l'ani- ment. Il a consacré à Martin, son sanglier apprivoisé, quelques lignes charmantes. L'observation de la vie humaine a elle aussi apporté son contingent. Voici un petit tableau fort bon en ce genre : « Aujourd'hui on ne se parle plus, on s'apos- trophe ; il semble que par des éclats de voix, on veuille mutuellement se faire rentrer sous terre. On se jette sur vous en s'exclamant ; on vous fixe dans le blanc des yeux; on vous braque une lanterne au visage ; on viole votre for inté- rieur. Et si vous répondez, on ne vous écoute pas ; — il est vrai que, de saisisse- ment, vous avez peut-être perdu la parole... ». On sent percer dans ces lignes l'horreur de la foule, qui est un des traits caractéristiques de la nature de Pir- mez, point hautaine, mais imbue de cette fierté qui est la plus haute expression du respect de soi-même. Les livres, les produits de la littérature et de l'art, composent fréquemment l'objet de la correspondance des deux amis. L'écrivain y fait preuve de connais- sances étendues et d'un goût solide. Telles que les voici, ces lettres seront le régal des esprits délicats. Il faut re- mercier, pour le plaisir que nous trouvons à les lire, M. José de Coppin, d'avoir élevé ce monument à la mémoire de son ami. En terminant ces courtes notes, j'ajouterai qu'il est à souhaiter que, pour une nouvelle édition, un soin plus attentif soit apporté à la correction des épreuves. De nombreuses fautes d'imprimerie se sont glissées dans celle-ci. Je ferai obser- ver encore qu'il y a une transposition à opérer dans le classement respectif de