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                            JEAN T I S S E U R                    615

sonnet incohérent, où les mots ne sont que des sonorités sans
signification, et qui se termine par ce beau vers :
            Le vin mystique et doux qui tombait des étoiles.

   J'ai entendu lire le sonnet par Mm° Ernst dans ses lectures publi-
ques. On l'applaudissait régulièrement sans y rien comprendre, et
pour avouer la vérité, je dois dire qu'on ne le distinguait pas tou-
jours d'autres sonnets cohérents.
   Eh bien ! tout n'est pas extravagance dans la théorie de Gautier.
Le mystère entre pour beaucoup dans la beauté de certaines poésies.
Chateaubriand, le premier de notre temps, a senti la poésie du
mystère. L'homme a besoin du visible; il a besoin de l'invisible,
Chacun suit la pente qui l'entraîne vers l'un ou l'autre. Or, il faut
l'avouer, Jean Tisseur n'appartenait pas à l'école du mystère. Son
frère Barthélémy y appartenait en plein. Jean est le fils d'Homère
et des Grecs. Il était de l'école du net, du précis, du tangible; il
rejetait l'expression nuageuse et flottante. Le nuage, où l'imagi-
nation voit tout ce qu'elle veut, a sa poésie sans doute. La fleur
d'or êtoilée d'argent qui étincelle dans la prairie, a la sienne aussi
 C'était celle de Jean.
                                               CLAIR TISSEUR.