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552                       LA REVUE LYONNAISE
la reprise des travaux dos Bénédictins par l'Institut. Ce n'est pas sans émotion
qu'on lira les détails donnés par dom Brial sur les circonstances dans lesquelles
dom Clément, à la veille d'être expulsé de sa retraite des Blancs-Manteaux, en
septembre 1790, corrigeait les dernières feuilles de l'Art de vérifier les dates.
On ne sera pas moins touché de la confiance avec laquelle dom Brial, annonce
en 1801, que la France sort de la barbarie et que les grandes collections histo-
riques interrompues depuis une dizaine d'années, seront continuées. » Cependant
la Révolution, à son début, s'était dite généreuse, grande et noble, n'ayant qu'un
but, celui de détruire seulement quelques abus, et les naïfs l'avaient cru sur
parole ; mais à l'époque où dom Brial écrivait sa lettre, le 8 septembre 1790,
le jacobinisme avait jeté le masque et rien ne trouvait plus grâce devant lui,
même les lettres et les arts, et tous ses actes étaient déjà d'une brutalité sauvage.
En effet, écoutons ce que dit dom Brial à l'abbé Lespine : « Malgré les tracas-
series que nous avons éprouvées de la part du district qui s'est établi chez nous,
et qui s'est emparé de plus de la moitié de la maison, pour y établir une
caserne, corps de garde, comité cicil et militaire, si bien que nous vivons au
milieu du bruit des armes et des tambours, le travail de dom Clément n'a
pas discontinué ; il n'a plus qu'à terminer le dernier 'volume. II n'en est pas de
même des autres ouvrages auxquels nous étions occupés. Ils sont tous suspendus
par l'effet de la, Révolution, soit parce qu'ils se faisaient aux frais du gouverne-
ment, soit parce que les libraires ne font plus rien dans leur commerce. »
   Mais le soleil, heureusement, reparaît toujours, même après les plus cruels
orages. Une main de fer dompta la Révolution et la musela... momentanément.
Les savants qui n'avaient pas péri sur l'échafaud se cherchèrent, se réunirent
et reprirent leurs doctes travaux si douloureusement interrompus. L'on vit alors,
entre autres, dom Brial écrire, en janvier 1801, à l'abbé Lespine qui avait pu
échapper aux fureurs des jacobins. « Qu'on a du plaisir, dit-il, de se retrouver
après les événements qui se sont passés et au sortir d'un bouleversement tel
qu'on n'en vit jamais de semblable! Il semble qu'on revient d'un autre
monde... » Le pieux bénédictin annonçait, en même temps, à son ami que Dieu
avait attiré à lui dom Clément en 1793, mais que depuis qu'on est sorti du
chaos de la Révolution, il a pu continuer le Recueil des historiens en France
et que l'Institut voulant mettre à profit les travailleurs de la congrégation de
Saint-Maur, que la Révolution a épargnés, s'occupe de remettre en activité le
Recueil des historiens des Croisades, la collection des Conciles de France, la
Gallia Cltristiana, etc. Le gouvernement est doux et ne songe qu'à réparer les
torts de la Révolution. La richesse et les talents avaient été obligés de s'expatrier ;
on brise les barrières qui les tenaient éloignés, et on les verra revenir avec
plaisir. »
   Les deux lettres qui donnent des renseignements si précieux sur nos plus
grands monuments littéraires et complètent si bien leur histoire, étaient enfouies
dans le volume 100 de la collection de Périgord, à la Bibliothèque nationale où
M. Delisle a eu l'heureuse chance de les découvrir. Sachons-lui donc grand gré
de cette nouvelle trouvaille et de leur publication. Mais en lisant ces lettres
n'est-on pas amené naturellement, à se demander « quand reviendra aussi pour
nous un gouvernement doux et réparateur des torts de notre dernière Révo-
lution ? » Eu 1880, nous possédions aussi à Lyon de grandes communautés
religieuses partageant leur temps, dans le silence de leurs cloîtres, entre 1