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      LA MORALE DANS LES FABLES DE LA FONTAINE                    371


       Un gros siage, plus sage, à mon sens que son maître,
       Jetait quelque doublon toujours par la fenêtre.

   Entre la leçon d'économie et le conseil de prodigalité, on ne
sait auquel entendre. Le mieux est de croire que le poète r,e son-
geait à rendre ses semblables ni moins avares, ni moins pro-
digues, mais seulement à les divertir par ses récits.
   Ses contemporains l'entendaient ainsi. Mme de Sévigné parlant de
lui dans ses lettres, disait après la publication du recueil de 1671 :
« Cela est peint. Il ne faut pas qu'il sorte du talent qu'il a de con-
ter. » Elle y revient plusieurs fois et toujours elle loue le conteur,
jamais le moraliste.
   Veut-on d'autres preuves des contradictions morales dont le re-
cueil abonde?
   On reproche à La Fontaine d'avoir loué la trahison politique :
                   Le sage dit, suivant les gens,
                   Vive le roi ! Vive la Ligue !

mais n'a-t-il pas écrit de la même plume : « Arrière ceux dont la
bouche souffle le chaud et le froid ».
   Celui qui voudra savoir comment il faut s'y prendre pour
vaincre les difficultés de la vie, sera bien embarrassé, s'il prend
conseil de La Fontaine. Selon la fable L'homme qui court après
la fortune et l'homme qui l'attend dans son lit, c'est par le som-
meil et le rien faire que l'on vient à bout de tout. H dit ailleurs :
                          Quand le mal est certain,
             La plainte, ni la peur ne change le destin ;
             Et le moins prévoyant est toujours le plus sage.

  Le conseil est digne d'un homme résigné, indolent et désinté
ressé, comme était La Fontaine ; mais il est le premier à dire qu'il
ne faut pas s'y fier :
                       Aide-toi, le ciel t'aidera ;
et encore
                       Ne t'attends qu'à toi seul.

  Ce dernier précepte est le bon. La destinée de l'homme ici-bas