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304 LA REVUE LYONNAISE menaçait le crucifix de la confrérie. Il l'enleva de l'armoire qui le renfermait et le cacha chez lui. En ce temps-la il était difficile d'être honnête homme et de ne pas gravir les degrés de l'échafaud, dit M. Désandré, à qui j'emprunte tous ces détails 1. Almaric, compromis à son tour devant une ré- volution qui dévorait ses propres enfants, fut obligé de fuir à l'étranger. Il émigra, mais avant de quitter son foyer, il descella une planche de son cabinet d'aisances, y creusa une cachette à l'abri des infiltrations et des exhalaisons méphitiques et y déposa le christ. Il ne confia son secret à personne, pas même à sa femme. Plus tard, de retour à Avignon, Almaric restitua le crucifix à la chapelle des Pénitents, où avait été installé l'hospice des aliénés, en l'absence des Pénitents eux-mêmes, qui ne furent re- constitués qu'en 1816 : « Heureux de le rendre à ses anciens péna- tes, à défaut de ses légitimes propriétaires ». Par un arrêté du préfet de Vaucluse, il a été transféré au Musée d'Avignon où on peut le voir aujourd'hui. Quant au second christ de Jean Guillermin, les mêmes registres de la confrérie des Pénitents d'Avignon, qui nous ont révélé l'origine du premier crucifix, nous fournissent aussi l'extrait de naissance du second. On y lit en effet la mention suivante : « Mars 1660. La Compagnie, par l'entremise de M. Pol Gui- chard, afaict faire un christ mort de buis par le même maistre qui a faict celuy d'ivoyre l'aimée dernière ci-devant mentionnée aux dé- pens de la Compagnie et des épargnes procurées par le dict sieur Guichard. » Ce christ de buis resta jusqu'à la Révolution au fond de la cha- pelle des Pénitents, où il reçut leur prière intime, pendant que le grand crucifix figurait dans les processions publiques. A l'époque de la Terreur, il disparut dans la tempête, sans laisser trace de son existence, jusqu'en 1884, où il se retrouve tout à coup en la pos- session de M. Waldmann. Comment a-t-il traversé cet intervalle de temps ? Par quels t. •* Désandré : Essai historique sur le christ d'ivoire de Jean Guillermain Avignon, 1865.