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292                         LA REVUE LYONNAISE
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être que logique , et le mieux est d'attendre le plus sagement
possible.
   Et cette jeune fille raisonnable et raisonneuse est une héroïne
de dévouement et de vertu. Sa pitié compatissante va des bêtes aux
gens et s'arrête avec complaisance sur les moins dignes. Elle pra-
tique l'abnégation et le pardon des injures â un degré tel qu'il
serait difficile à une sainte de la dépasser.
   A côté de la vierge de l'avenir, voici Louise, la jeune fille imbue
des vieilles idées et formée par la vieille éducation, nerveuse, im-
pressionnable, d'une pudeur effarouchée recouvrant mal une cor-
ruption réelle, capable d'élans brusques et de bons mouvements,
mais qui ne peut y persévérer, et que Pauline écrase du commen-
cement à la fin de sa supériorité d'intelligence et de sa géné-
rosité.
   Ajoutez Lazare, un maniaque qui aspire à tout et ne sait rien
faire, accuse continuellement la vie et passe ses nuits à trembler
de peur de la mort, voilà les principaux caractères.
   L'effort pour soutenir une thèse est visible, et le soin qu'a mis
l'auteur à former de toutes pièces, sans se soucier de la réalité et
d'après l'idéal qu'il semble se faire de la femme, la figure de Pau-
line ne saurait se nier. Il a abandonné le terrain de l'observation,
et sans même se raccrocher à l'expérience, il se laisse visiblement
entraîner au courant des hypothèses.
   C'est du Georges Sand habillé de naturalisme 2, Pauline n'est ni
moins impassible, ni plus réelle, ni plus vivante que lesLélia et les
Edmée d'autrefois.
   Du reste, qu'on ne s'empresse pas de lui accorder sa sympathie.
M. Zola a pris soin de nous prévenir qu'elle résulte d'un mélange
fusion, qu'elle est en état d'honnêteté 3 et n'a pas, par conséquent,
de lutte à soutenir pour agir noblement. Il est vrai qu'elle est fille
des deux plus exécrables égoïstes dont le portrait se trouve dans la


   1 Comme cela est consolant !
   2 Dans un article sur Georges Sand, M. Zola constate que lorsque le grand roman-
cier donne à ses héroïnes des caractères virils, il fait volontiers de ses héros de vérita-
bles femmes. Dans la Joie de vivre, M. Zola n'a pas fait autre chose. Pauline est
l'homme, Lazare la femme.
   3
     Voir V Arbre généalogique des Rougon-Macquart.