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164 LA REVUE LYONNAISE
« mourir dans la terre sainte1 ». On y mourait en effet souvent.
Ceux qui revenaient racontaient les souffrances des chrétiens captifs,
les profanations accomplies par les Sarrazins ; et ces récits irri-
taient encore le violent désir de vengeance qui emplissait tous les
cœurs.
Aussi, quand Raymond de Saint-Gilles, comte de Toulouse, le
puissant souverain du pays de la langue d'Oc, et dont le père,
Guillaume, était mort dans un de ces pèlerinages en Terre-Sainte,
prit la croix, nombre de seigneurs vivarois suivirent d'enthousiasme
sa bannière.
Le premier parmi eux, avec les Gérenton du Béage.lesd'Agrain,
les Aymar de Monteil, les Chanaleille, etc., fut Pons de Balazuc.
Pons appartenait à la grande noblesse du Vivarais. Il était l'ami,
le familier du puissant comte de Toulouse2, ce qui suffirait à indi-
quer sa haute situation. Mais on le trouve, signe certain de grande
notoriété, dans l'espèce de jury formée au sujet de l'invention de
la sainte Lance, et où figuraient les plus illustres personnages de
l'armée croisée3. Cette importance se soutient. Un de ses petits-fils,
Pierre, reçoit l'hommage d'Audibert de Vaulgueil (Vogué), et
Guillaume, son arrière-petit-fils, donne le droit de « pêcher dans
ses rivières, et de chasser au lapin dans ses clapiers, à Raimond de
Sampzon, son fidèle damoiseau, en récompense de ses services4 ».
Du dixième au quatorzième siècle, les Balazuc sont les seigneurs
suzerains du Bas-Vivarais.
Il est naturel qu'on sache peu de choses sur Pons avant son départ
pour la Croisade. En 1090 cependant, on le voit testant en faveur
de Jordan de Balazuc, son fils, et de dame Jaquette de Trevenne,
sa femme5. Ce fils, on le retrouve se mariant en 1120, c'est-Ã -dire
trente ans après, avec Agniette de Falzac. Pons était donc relati-
vement jeune quand il partit pour la Terre-Sainte.
C'est un étrange et saisissant spectacle que dut présenter le Viva-
1
Essai sur le gouvernement du Languedoc. Paris, 1773, déjà cité.
2
Fuit autem hic Pontius, miles, tir nohilis et familiaris comiti Tholosano,
quod prseter nunc notât Tyrius (liber XII, caput xvu,). Bongars : Gesta Dei.
3
Historia Francorum, p. 157-167 du manuscrit de la Bibliothèque nationale.
Voir ce très curieux épisode de l'invention de la sainte Lance.
•* Firmin Boissin : Notes manuscrites sur le Vivarais. _
5
Inventaire fait au château de Montréal, le 14 mai 1435, par About, notaire