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l'instrument de démonstration, la preuve expérimentale tombant sous les
sens ; le but, une technique. Tout cela, isolé rigoureusement, on pourrait
dire farouchement, des autres sciences, ne leur demandant pas de confir-
mation, se refusant à leur en donner.
      Au lieu du savoir universel, idéal antique, dans lequel était respectée
la hiérarchie des connaissances particulières, chacune entrant à sa place
dans la composition de l'ordre commun, l'époque moderne allait chercher
de toutes ses forces à constituer des sciences autonomes, sans aucun souci
de leurs valeurs relatives et de leurs rapports à un système général d'ex-
plication du monde. Et l'on aurait ce spectacle de sciences qui se feraient
gloire de ne pas aller jusqu'à l'idée, mais s'arrêteraient, de propos délibéré,
au stade technique. Et l'on dirait, comme nous venons de le citer, gar-
dons-nous de chercher à connaître les idées, elles risqueraient de nous
rendre sceptiques, c'est-à-dire moins aptes et moins courageux à la re-
cherche des faits. Curieuse transformation des mots ! et triste science qui,
en définitive, refuse de savoir!
                                                     H

      Planant bien au-dessus de cette conception étroite, Claude Bernard
allait clore le débat entre vitalistes et mécanistes. Comment ne pas lui
faire une place d'honneur dans une étude lyonnaise ? Sa naissance dans
notre région, en 1815, son passage à Lyon dans une pharmacie de Vaise1,
son attachement pour son pays de Saint-Julien en Beaujolais, où il vint
essayer de retrouver la santé2, sont des raisons suffisantes pour citer ici
son témoignage.

      1. Dans la préface qu'il a écrite à l'édition du drame de Cl. Bernard, Arthur de Bretagne, Paris, Dentu,
1888, M. Georges Barrai écrit : « Il trouva chez un pharmacien du faubourg de Vaise un emploi qui lui
donnait la nourriture et le logement. Il n'avait pour toutes distractions que le droit de sortir une fois par
mois. Il en profitait pour passer la soirée au théâtre des Célestins. C'est là, au contact des pièces représen-
tées, qu'il se crut destiné à devenir auteur dramatique. Rentré dans son officine, occupé la plupart du temps
à plier de minuscules paquets de poudre purgative, ou à préparer la thériaque, ce fameux médicament
universel de nos ancêtres, il prit sur ses nuits des loisirs pour composer une comédie-vaudeville. Elle fut
jouée sous le titre de La Rose du Rhône, sur un petit théâtre de Lyon, avec quelque succès, mais ne fut ja-
mais imprimée. Elle rapporta une centaine de francs à son auteur, qui les mit de côté, ayant rêvé de partir
pour Paris et d'y conquérir la gloire littéraire avec un drame qu'il mit un an à composer ».
      1. C'est à Saint-Julien que Claude Bernard fit sur la fermentation les expériences célèbres, qui ne
furent publiées qu'après sa mort et qui motivèrent le livre de Pasteur, Examen critique d'un Ecrit posthume
de Claude Bernard sur la Fermentation, Paris, Gauthier-Villars, 1879.