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NOTICE SUR J.-B. DJMAS. 105 qui se roule dans la poussière des fleurs ; il avait ensuite, et toute son âme s'attachait à ceci, à rappeler les qualités morales du confrère qu'il avait tendrement aimé. « Je puis encore un peu pleurer avec vous, » disait-il. Le mot était vrai. On sentait dans son discours une amitié et une douleur qui n'avaient besoin que des plus simples expressions pour réveiller éloquemment tous les souvenirs, tous les regrets. En écrivant ces nombreux éloges académiques, Dumas avait fourni, sans y songer, de quoi faire son propre éloge, tant disparaissait sous sa plume ce qui aurait ressemblé a un travail officiel et commandé, et tant il s'abandonnait a des effusions qui portaient témoignage de sa nature généreuse, expansive et aimante. Ce n'est pas seulement montrer qu'on est juste, c'est prouver qu'on est bon, de savoir si aisément sympathiser avec le mérite d'autrui, et d'aller droit dans les hommes a ce qui s'estime, s'honore, s'aime ou s'admire. Je ne louerais qu'avec plus de réserve les Dialogues des morts que notre confrère a laissés. Il a mis en scène Regnault de Saint-Jean d'Angèly et l'abbé Delille, la Mode et l'Amour, madame de Sévigné et mademoiselle de Scudéry, Hèloïse et Ninon de l'Enclos, Sapho et Louise Labé. Le titre de la plupart de ces dialogues décèle la trame légè- re de leur composition. De pareils sujets imposent la con- dition d'un pacte avec les Grâces. Mais les Grâces ne sont pas d'un abord toujours facile, et, en France plus qu'ailleurs, on a le droit de se montrer exigeant pour les œuvres d'esprit où un élégant badinage sonde les mystères du cœur des femmes. Malheur a beaucoup d'écrivains. Le précipice est ouvert devant eux, entre les raffinements du style précieux, les fades agréments de la galanterie et les témérités de l'ob- servation. Le pont de Mahomet n'a pas de tranchant plus mince, plus affilé que la ligne délicate par laquelle, en vue de ce paradis de la grâce, on essaie de gagner l'autre rive.