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334 DE L'INFINI. fections (ce qui est au fond la même chose), la philosophie n'a pas de peine à concéder ce fait, dont le témoignage est écrit dans toutes les consciences. On peut même, si l'on veut donner au fait une expression appartenant davantage à la langue philosophique, ou du moins plus rapportée aux conditions finies de notre nature, on peut dire que l'âme tend vers l'infini. Le P. 'Gratry serait assurément dans le vrai s'il ne faisait que mettre plus fortement en saillie une pareille tendance, que nul philosophe sensé ne peut con- tester, et qui est inhérente à l'âme humaine. Mais le philosophe de l'Oratoire va beaucoup plus loin. Il ne se contente pas d'une tendance ; il veut un passage qui soit décidément franchi. Il affirme que le procédé dia- lectique de l'induction nous fait passer du fini à l'infini. Passer a l'infini, atteindre l'infini, saisir l'infini, ce pourraient être des expressions métaphoriques, qu'il n'y aurait à entendre que d'une manière abstraite et idéale, et a n'appliquer que symboliquement à une certaine idée à se faire de l'infini. Mais ce n'est point la le compte du P. Gratry. Il prétend, comme nous l'avons tout à l'heure rapporté, que la méthode infinitésimale est un procédé au moyen duquel la raison va atteindre l'infini dans les mathématiques ou ailleurs, non pas « comme concevable, mais comme actuellement et réelle- « ment existant (1).» 11 met l'effort le plus insistant a démon- trer que c'est bien de l'infini réellement existantqu'il s'agit,de l'infini qui subsiste comme fond invariable, comme support, comme principe générateur, sous le temps, sous l'espace, sous le mouvement, sous la force finie, sous toutes les choses créées. 11 se prévaut dans ce but de l'opinion émisa par quelques géomètres, que l'élément infinitésimal, saisi en géo- métrie, est une réalité. C'est a cause de cela qu'il admire (1) Gratry, ibid., p. 148, 151 et passim.