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364                   LETTRES BAD01SES.

plus ingénieuse et plus innocente? Ou bien, seriez-vous
les âmes noires des anciens habitants du vieux château,
des margraves souillés de meurtres et de crimes ? Quand le
soir le croissant de la lune se lève sur les bois comme le
blanc calice d'un lis encore fermé, et que le vent apporte
les soupirs de la harpe éolienne, il faudrait être un philistin
dont le bonnet de colon étouffe l'imagination paresseuse
pour ne pas écouler, et admirer, et éprouver un de ces lé-
gers frissons, qui sont peut-être le baiser invisible d'un es-
prit, ou au moins le contre-coup de ses ailes. Et dire qu'il
y a des hommes qui à ce moment-là, courent, les poches
pleines de bank-noles, à la table de jeu, et des femmes,
des femmes jeunes, belles, qui jouent au trente et quarante
à l'heure des baisers!... ah ï cela est monstrueux ; le père
de telles monstruosités ne peut être qu'un monstre. N'y a-l-il
donc plus dans ce pays de la légende uu brave chevalier pour
attaquer hardiment le monstre du jeu qui se cache au pied
du Freraersberg, dans ces états du grand duc de Bade ? Mais
non : les nobles et élégants voyageurs qui visitent Bade cha-
que année: chevaliers du Bain, chevaliers de l'Etoile, che-
 valiers de la Légion-d'honneur ou chevaliers d'industrie se
contentent d'écouter la fantaisie intitulée Fremersbcrg,
qu'exécute le soir, devant le salon, l'excellente musique à
 vent du régiment autrichien Benedeck. Ces musiciens, qui
 sont vêtus d'une jaquette blanche, Bohémiens pour la plupart,
 expriment dans les airs de danse, les walses et les lândler
 toute la gaîté rêveuse, la légèreté originale et la verve naïve
 de la musique populaire. C'est la perfection du genre ; il esl
 fâcheux que leur chef, jeune homme affublé d'un costume
 de tambour-major, leur impose les crescendo foudroyants de
 la Semiramide et autres triomphales magnificences des
 chefs-d'œuvre de Rossini. Rossini ! quel géant; il n'est
 pas de celle race de géants bonasses dont viennent à bout