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                       LETTRES BADOISES.                    355

université allemande ; tandis que le bateau glissait rapide-
ment sur le dos des ondes vertes et que les Ondines effrayées
se cachaient dans leurs grottes de coquillages tapissées de
fleurs d'iris ; tandis que les ruines des vieux burgs, d'Ebers-
tein à Heidelberg, défilaient devant nos yeux et que nous
nous avancions en rêvant vers la patrie des rêves, les jeunes
descendants d'Hermann, laissant un instant leurs pipes, for-
mèrent un cercle symbolique sur le pont et se mirent à
chanter en chœur une chanson patriotique, composée en 1814
par un étudiant comme eux, Schenkendorf :
   « Entendez-vous la mélodie sonore ? Ce nom qui revient
toujours et jamais ne lasse ? c'est celui d'un roi de haut li-
gnage auquel tout cœur allemand est resté fidèle; le Rhin
sacré, noble enfant des rochers, qui, libre, marche vers
l'océan de Dieu. Ce nom désaltère l'âme comme le vin qu'il
fait croître ; dans tous les cœurs, ah I quelle joie et quelle
douleur il éveille î... »
   Et ils chantaient plus bas comme s'ils eussent craint d'é-
veiller les échos : « Que le mot de ralliement soit lé Rhin et
la liberté notre étoile. »
   Hélas l dans les belles nuits d'été, j'ai eu beau regarder
vers le fleuve ; bien des étoiles se reflétaient dans ses flots,
frétillantes comme des poissons d'or, mais je n'ai aperçu
nulle part celle de la liberté! En 1840,1e célèbre Becker
composa sa chanson sans laquelle il ne serait nullement cé-
lèbre ; c'était une sotte provocation à des jalousies et con-
voitises gothiques. Alfred de Musset répondit en riant :
            Nous l'avons eu, votre Rhin allemand,
              Il a tenu dans notre verre.

  Mais tout cela a fini par des chansons ; il n'y a pas de
verre, même à bière, qui puisse contenir le Rhin, pas de
buveur, même allemand, qui puisse le boire. Ah ! je vou-