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                        LETTRES BAD0ISES.                   368

les petits Schneiderlein allemands ; celui-là, quand il veut,
lance le tonnerre et fronce le sourcil à la façon de Jupiter,
de manière à faire trembler toutes les montagnes de la Forêt-
Noire et tous les régiments autrichiens, totam... regiam,
comme dans la fable de Phèdre qui nous amusa tant lorsque
nous étions gamins. Mais aussi, lorsqu'il veut, ce monarque
débonnaire, retenir ses foudres, comme il nous rassérène
l'horizon ; ne dirait-on pas qu'il porte sur la tête le joyeux et
puissant soleil dont les rayons réjouissent noire âme et éclai-
rent le monde? Rossini ! Quel a été mon élonnement de le
rencontrer ici, Taulre jour. Il se promenait comme un simple
mortel ; il avait caché son soleil sous un chapeau rond d'une
rusticité charmante. Il me dit qu'il venait de Kissingen,
en Bavière, où les eaux l'avaient salé comme un vieux jam-
bon. Tout couvert de lauriers, aurait-t-on pu ajouter, sans
la crainte des lieux-communs. Il m'avoua sans emphase qu'à
Kissingen il allait tous les soirs au concert. Excellent homme,
sublime et bon artiste, avoir tracé de sa main les étincellantes
figures du Barbier, de Guillaume Tell, être le Raphaël de la
musique et condescendre à encourager les barbouilleurs qui
plâtrent de grisailles le ciel resplendissant du génie ! Car il
 faut l'avouer, quelque doués que soient les Allemands sous
le rapport de la musique, le monde de Rossini n'est pas le
leur. Au fait, il faut que chaque chose reste à sa place ; il
est bon qu'en Allemagne on exécute la musique de Weber
ou de Mendelssohn, et celle de Rossini en Italie, ou plutôt
en France, dans celle capitale de la France qui comprend
 lanl de choses diverses, et qui, par un prodige d'intelligence
 plus encore que de talent mécanique, a su s'identifier, à
la fois, et Beelhoven et Rossini.
                                     Edouard DEGEORGE.
        (ta fin au prochain numéro).