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                            AU XVIIIe SIÈCLE.                            217

l'accueil de l'Académie de Lyon, il lui en témoigna magnifique-
ment sa reconnaissance par la fondation d'un prix annuel de
1,200 francs, pour une question qu'il se réservait de choisir
ou d'approuver.
   « Quelles vérités et quels sentiments importe-t-il le plus
d'inculquer aux hommes pour leur bonheur? » Tel fut le
sujet du prix Raynal proposé pour 1791. Quelle plus grande
et plus belle question, et quelle autre critique en faire, sinon
qu'elle est trop grande et trop belle pour un concours ! Ce-
pendant seize concurrents répondirent à l'appel de l'Acadé-
mie, et parmi eux un lieutenant d'artillerie de vingt ans. Quel
était, Messieurs, ce lieutenant qui, k vingt ans, employait
les loisirs d'une garnison a méditer sur les destinées et sur
le bonheur de l'humanité? Il s'appelait Bonaparte. C'était
Bonaparte déjà agité par les grands sentiments et les grandes
pensées, mais encore tout aussi ignorant de ses hautes des-
tinées que l'Académie qui allait le juger (1).
   Il faut bien qu'ici je relève une erreur de Las Cases et
d'autres historiens ; ce n'est pas à Bonaparte que fut décerné
le prix, son œuvre a peine ébauchée ne pouvait y prétendre, *
mais àDaunou, qui devait s'illustrer dans une autre carrière.
La question avait été remise au concours en 1791 et Daunou
ne fut couronné qu'en 1793. Cependant quelque imparfait

   (1) Bonaparte connaissait Raynal, qui l'avait accueilli avec une bienveil-
lance toute particulière dans un voyage qu'il fît à Paris en 1787 , et lui
avait donne des conseils pour son Histoire de la Corse. (Voir les mémoires
de Lucien Bonaparte, Paris 1836.) De là celte apostrophe à Raynal dans le
goût du temps et surtout dans le goût de Raynal lui-même : « Illustre Ray-
nal, si dans le courant d'une vie agitée par les préjugés et les grands que tu
as démasqués, tu fus toujours inébranlable dans ton zèle pour l'humanité
souffrante et opprimée, daigne aujourd'hui, au milieu des applaudisse-
ments d'un peuple immense qui, appelé par toi à la liberté, t'en fait le pre-
mier hommage, daigne sourire aux efforts d'un zélé disciple dont lu voulus
quelquefois encourager les essais ! »