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LETTRES SUR LA SARDAIGNE. 353 vous plaira, c'était un beau gendarme qui m'avait reconnu nouveau débarqué dans la ville, et venait sans façon me de- mander des nouvelles de la terre ferme, me faire ses offres de service. En pays étranger, les connaissances se font vite, surtout si le camarade improvisé parle la même langue que vous ; après cinq minutes de conversation on est intime, et, après une demi-journée passée ensemble, on devient insépa- rables ; aussi, au bout d'un quart d'heure de promenade sur la terrasse, je savais que mon nouvel ami, qui parlait le fran- çais comme sa langue naturelle, était un baron, un baron savoyard-italien, et, qui plus est un baron en disgrâce, re- légué dans le corps des Chevaux-légers de Sardaigne pour quelque méfait politique. Le baron, qui habitait Cagliari de- puis plusieurs années, charmait les ennuis de sa solitude par de savantes recherches sur les antiquités que possède sa patrie de circonstance; il m'offrit d'être mon cicérone et mon guide, offre que j'acceptai avec reconnaissance. Nous nous donnâmes rendez-vous pour le jour suivant, et je rentrai me coucher, afin de disposer par le repos mes jambes et mes yeux au service extraordinaire que j'en allais exiger le lendemain. Le lendemain donc, dès la pointe du jour, après avoir vidé un flacon d'un vin généreux et riche de couleurs comme tous les vins de la Sardaigne, nous commençâmes nos excursions ar- tistiques. Nous fîmes quelques pas à l'ombre des acacias nous franchîmes la porte du château entre deux montagnes d'orangers et à travers les jambes de quelques Sardes endor- mis sur le chemin, et nous arrivâmes au sommet de la col- line ; là , sur une place étroite et raboteuse s'aloogenl les pauvres façades du palais du vice-roi, de l'hôtel du régent, et, à l'extrémité de la place, le portail de la cathédrale. De ces trois monuments qui couronnent la colline, et dont une partie est suspendue au sommet des remparts, la cathédrale seule mérite quelque attention. On dirait une de ces églises